Figure majeure des sciences sociales allemandes du début du XXe siècle, Max Weber accepta de prononcer, en novembre 1917, dans l'atmosphère sombre de la fin de la Première Guerre mondiale, une conférence sur le métier de savant. Ce texte, La Science, profession et vocation, le plus célèbre de ses écrits, constitue le testament d'un homme qui fut tout à la fois un extrémiste de l'exigence scientifique et un critique radical du savoir dans son usage le plus commun, celui de la « domestication » des esprits et d'un détournement de l'autorité de la connaissance à des fins de justification de l'ordre établi.
Virtuose de la science, au charisme puissant, Max Weber connut une crise qui l'éloigna de l'enseignement pendant près de vingt ans. Le ressort du doute l'amena à développer une analyse comparée du prestige des intellectuels dans les différentes civilisations, et à étudier les modalités de l'acquisition et de la transmission du savoir, ainsi que de la formation de la « caste » de ses détenteurs légitimes. Ces interrogations nourrissent la conférence sur la science, où il livre une leçon de modestie et de « probité », en un temps où se multipliaient, dans les universités, les petits « prophètes en chaire » et les démagogues des « valeurs », davantage soucieux d'exploiter le ressentiment national de leurs étudiants que de leur enseigner le patient travail de la rupture avec les préjugés.

Isabelle Kalinowski propose ici une nouvelle traduction de cette conférence, suivie d'un long essai, les Leçons wébériennes sur la science et la propagande, qui, enrichies de la traduction de nombreux extraits inédits, abordent cinq thèmes : la sociologie de la « vocation » savante, la théorie du « charisme », le culte du poète-gourou Stefan George, le rapport entre « savant » et « politique » et, enfin, la soumission de l'université à l'organisation capitaliste du travail.

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