« Voici plus de treize ans que je matricule en rond. J’ai beaucoup désappris. J’ai désappris la nuit. Il ne fait jamais nuit dans vos prisons. Nous sommes toujours sous les projecteurs au halo orangé, comme sur les autoroutes belges et les parkings de supermarché. J’ai désappris le silence. La prison ne connaît pas le silence. Il s’en écoule toujours une plainte, un cri, une rumeur.
Plus de pendus aux branches, nous sommes à l’époque du capitalisme démocratique, de la représentation idéologique du “No letal system”. Intra-muros, on assassine par “fatalité” juridico-administrative. On élimine le non-compatible. On le dissout dans l’acide du temps. On le crève comme une bactérie. »

Incarcéré de 1987 à 2011 pour ses activités au sein du groupe Action directe, Jann Marc Rouillan signait avec Je hais les matins son premier titre. S’il fut écrit pour résister à la lente déshumanisation imposée par l’incarcération, quinze ans et quinze livres après cette première édition, l’auteur ne dément pas l’idée qu’on peut se faire de l’écriture : la continuation de la politique par d’autres moyens.

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