« Dans sa main droite, Popier enregistrait les condamnations, de la gauche, il arrachait de petits morceaux de celle qu'il avait volée, les portait à sa bouche en faisant attention à ce qu'on ne le voie pas et les avalait après les avoir humectés sous sa langue. Puis sa main se glissait à nouveau sous son vêtement, à la recherche d'un autre bouchée. C'est ainsi que Jean-Louis Popier, greffier du tribunal institué par la grande Révolution française, mangea sa deuxième mort. Le papier était moins fade que celui de la nuit passée, l'encre ne lui donnait plus la nausée. Les deux matières avaient désormais le goût sucré de sa volonté. »

L’individu évoqué ici sous le nom de « l’homme qui mangeait la mort » fait partie de la multitude des petites gens dont les manuels parlent peu. Si les historiens de métier voient là une raison de s’en détourner pour se consacrer à ses contemporains plus illustres tels Danton, Robespierre et Marat, cela ne saura qu’inciter davantage les écrivains, ces profanateurs de tombeaux, à tenter de le sauver de l’oubli.

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