Au jour le jour

Pas de vœux ! [LettrInfo 23-I]

En cette période de vœux où l’on ne sait plus quoi inventer pour formuler ce qu’on a vraiment envie de souhaiter aux quelques-unes et quelques-uns qui importent vraiment, la plus grande et belle et furieuse charge qui soit contre cette persévérante tradition m’est arrivée ce matin :

« À force de gratter le fond de mon sac de voyage, commence-t-elle, pour y trouver encore une miette ou une goutte de ce viatique de courage indomptable, d’illusion inusable et de niaiserie inguérissable avec lequel, comme tout un chacun, je suis né, j’ai dû me rendre à l’évidence : j’ai tout mangé et tout bu. Je n’ai plus rien à partager, ni foi, ni espérance, ni charité. Ces dernières années déjà, je devais me forcer, faire semblant d’y croire encore un peu. Mais cette héroïque politesse est maintenant au-dessus de mes forces.M’en voudrez-vous si je m’en dispense pour cette fois ? Car cette année, je n’ai plus rien à vous souhaiter… »

Suivait la liste terrifiante des catastrophes et cataclysmes planétaires « toujours trop proches pour qu’on puisse y remédier et trop lointaines pour se sentir immédiatement concernés ». Puis le désespoir de l’intellectuel conséquent qui ne sent plus même « idiot utile » mais profondément inutile pour le peu de temps qu'il nous reste à espérer « un monde meilleur, une société plus juste, apaisée, fraternelle, sûre, solidaire ».

Et pour finir, après avoir fait le constat « que nous sommes sortis de tout scénario intellectuellement concevable ou moralement désirable, qu’il n’y a plus que le mensonge éhonté ou l’incantation magique » elle nous laissait, « tous et toutes passagers du Titanic », avec les vœux de Macron, de Biden, du Pape, de l’ONU, de l’UE et consorts, et seuls capables de satisfaire notre besoin d’illusions ».

Rien à redire. Sinon le paradoxe que mettre autant d’art à piétiner, rageur, toute espérance, à balayer, dédaigneux, toute convention, à refuser, inflexible, toute issue… Voilà qui fait surtout la preuve de l’irrépressible, immortelle énergie qui tient les plus désespérés d’entre nous. Pas tant cette énergie qu’on dit, injustement, « du désespoir », mais celle nécessaire pour ne pas se raconter d’histoire (ni en raconter aux autres) et pour faire preuve, quoi qu’il arrive, de la plus déplaisante et imperturbable lucidité.

Voilà sans doute la moins mauvaise définition qu’on peut donner des raisons pour lesquelles le genre de maisons d’édition qu'est Agone continue de publier le genre de livres qu'on publie : intransigeants quant au diagnostic sur l'état du monde, de nos voisins, voisines et concitoyens parce qu’ils ont prétention à déciller, ranimer et transporter des lecteurs ni idiots ni inutiles !

Enfin des livres qui ne continuent pas seulement de paraître mais aussi d'être achetés…

D'ailleurs, le dernier paru, voilà moins de deux mois, est déjà épuisé. Soyez rassurés. Pas pour longtemps. Déjà sous presse :
Une journée fasciste de Laurence De Cock sera de nouveau disponible le 13 janvier !

En attendant, cinq titres depuis trop longtemps épuisés sont de nouveaux disponibles :
— Enjeux politiques de l’histoire coloniale
Le sociologue et l’historien
Dehors devant la porte
L’État français et le génocide des Tutsis au Rwanda
Essais d’empirisme radical

Ainsi qu’un lot des nouveautés de janvier-mars est déjà programmé

Tous livres accompagnés, pour ne pas en parler tout seul dans son coin, d’une vingtaine de rencontres déjà annoncées

Et puisque vous êtes arrivés jusqu’ici, on peut vous dévoiler, en avant-première, notre printemps, avec la réédition, trop longtemps repoussée, de la tétralogie d'Arn le Templier, de Jan Guillou, sous le titre Le Royaume au bout du chemin et son premier volume, La Promesse.

Bonnes lectures. Et suivre notre actualité, abonnez-vous à notre LettrInfo !