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Pertes et profits du XXe siècle (II) Contextes et réceptions de « L’Ère des extrêmes » d’Eric Hobsbawm

La première édition française, en 1999, de L’Ère des extrêmes est indissociable de son accueil par les élites éditoriales et médiatiques parisiennes. Indissociable de leur éternel conservatisme chez certains. Indissociable, chez d’autres, de leurs illusions perdues et du reniement de leurs espérances de changement social. Indissociable de leur désaveux de l’attachement d’Eric Hobsbawm à la cause révolutionnaire.

Fille aînée de l’Église, la France le fut aussi du stalinisme. Il est probable qu’historiens et sociologues expliqueront un jour les raisons qui transformèrent des siècles de culte de celle-là en décennies d’adoration de celui-ci. Nous n’y sommes pas.

Reste en attendant à comprendre ce qui se produisit en France durant les deux décennies qui séparent le succès du Parti communiste français (PCF) aux élection législatives de 1936 (qui le sortent de sa marginalité pour lui conférer un rôle majeur dans le Front populaire) de la dénonciation des crimes de Staline par le XXe Congrès du parti communiste soviétique en 1956. Et ce qui a amené le PCF à la mort clinique depuis le début des années 2000.

En Europe de l’ouest, le PCF n’avait alors d’égal, en termes d’influence sur les syndicats et les municipalités, notamment ouvrières, que son homologue italien. À la différence de ce dernier, il exerçait un contrôle des plus drastiques sur les intellectuels qui le rejoignaient. On vit ainsi le PCF dénoncer, et sommer ses membres d’en faire de même, la psychanalyse et la génétique, toutes deux assimilées à des sciences bourgeoises. On vit le physicien et prix Nobel Frédéric Joliot-Curie, mais aussi Aragon ou même Pablo Picasso rendre les plus vibrants hommages à Staline. Et tant d’autres âneries.

Dans un registre plus sinistre, le PCF conduisit au début des années 1950 des procès qui conduisirent à l’exclusion – synonyme alors de mort sociale – de figure historiques du parti, dont il apparaît avec le temps que le principal tort était d’avoir un ancrage de masse, et donc de disposer d’une certaine liberté politique à l’égard de l’appareil du parti. André Marty, ancien dirigeant de la mutinerie de la flotte française engagée contre les Soviets en 1919, Charles Tillon, chef de l’État major national des Francs-Tireurs et Partisans(l’organisation créée par le PCF pour la lutte armée contre l’occupation allemande)et Auguste Lecœur, syndicaliste qui anima la grande grève des mineurs du Pas-de-Calais contre les réquisitions allemandes au début de 1941, furent parmi les victimes de ces procès de Moscou à la française.

Comme Trotsky, Zinoviev, Kamenev, Boukharine et les centaines de milliers d’autres militants de la Révolution de 1917 broyés par la mécanique stalinienne, ils furent victimes de cette vague répressive propre au mouvement communiste international entamée à la fin des années 1930 et reprises au début des années 1950. Marty, Tillon, Lecœur, et bien d’autres, n’ont assurément eu la vie sauve que parce que le hasard les avait fait naître en France, dans un pays où le parti communiste restait, même en y participant, aux marges du pouvoir. Nés plus à l’est, il eurent assurément finis fusillés dans une cave ou pendus à une corde.

Si ce texte consacré à la deuxième édition de L’Ère des extrêmes débute par l’évocation du stalinisme français des années 1950, avec ses purges internes déguisés en procès iniques, son mépris absolu de toute notion de vérité (comme on le voit dans la défense de la « science prolétarienne », thème récurrent de l’époque), et son culte de la personnalité (à celui de Staline, « l’homme que nous aimons le plus », répond celui de Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, à l’image des dieux majeurs et des dieux mineurs des Romains), c’est que la réception française de ce livre procède de cette histoire. Comme l’explique Serge Halimi dans sa préface à deuxième édition, The Age of Extremes n’a pu d’être traduit en français qu’à l’initiative du Monde diplomatique. Aussi ce livre est-il lui-même le produit d’une histoire politique.

Revenons au début des années 1950. Le PCF pèse, d’élections en élections, autour de 20 % des suffrages. Dans les milieux intellectuels, son influence est bien plus considérable. Il n’est pas exagéré de dire qu’il y est comme hégémonique. C’est dans cette ambiance que se forment intellectuellement et se construisent socialement la plupart de ceux qui contribueront, trois décennies plus tard, à l’accueil de The Age of extremes par les historiens et les éditeurs français. En particulier un certain François Furet, jeune agrégé d’histoire, issu du meilleur milieu, qui joue un rôle important dans l’animation des milieux communistes estudiantins du quartier latin entre 1949 et 1956. Avant de décéder à l’âge de soixante-dix ans des suites d’un malencontreux match de tennis, Furet aura eu le temps de se faire élire à l’Académie française et, surtout, d’offrir à ses semblables la repentance de sa jeunesse communiste : Le Passé d’une illusion [1].

Dans cet « Essai sur l’idée communiste au XXe siècle », François Furet applique la méthode qui fut la sienne dans ses livres sur la Révolution française, marqués par la plus extrême suspicion quant à toute idée de révolution politique. Après avoir tenté de démontrer à quel point le jacobinisme et la « Terreur » avaient été des expériences politiques cauchemardesques, Furet entend appliquer cette analyse à la Révolution russe de 1917 et à ce qui s’ensuivit, à savoir l’existence d’une URSS comme contre-poids à l’ordre capitaliste et colonialiste mondial qui l’emportait seul jusqu’à la Première guerre mondiale.

Pour Furet, l’URSS ne peut être comprise que comme un État totalitaire, en ce sens qu’il impose à ses citoyens une discipline implacable, condamnant à mort toute dissidence. Même s’il se montre critique quant aux qualités de l’œuvre phare d’Hannah Arendt qui réintroduisit dans le débat politique la notion de « totalitarisme » [2] – un livre « écrit à la diable, fait de pièces et de morceaux, étiré sur trop d’années » ou encore « confus, péremptoire, contradictoire » –, Furet en retient cependant les conclusions : on ne peut lire le XXe siècle que comme une confrontation entre démocraties libérales et régimes totalitaires – nazis, soviétiques et leurs alliés.

À cette lecture politique s’ajoute chez Furet des considérations psychologiques, dont on peut se demander à quel point elles relèvent de l’auto-critique : « En France comme ailleurs, le communisme fait appel chez les individus, en même temps qu’à l’idéalisme et à l’ignorance, à un goût caché du pouvoir, qui peut peut être joint à une passion masochiste de la force. » Une conclusion s’impose donc : toute espérance révolutionnaire est vaine. « L’idée d’une autre société est devenu presque impossible à penser. […] Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons [3]. »

Dès la sortie du Passé d’une illusion, la presse dominante s’enthousiasma. Après quatorze ans de présidence d’un François Mitterand qui avait tourné le dos aux espérances qui avaient permis son élection etquatre ans après l’effondrement de l’Union soviétique, le livre de Furet, vendu à plus de 70 000 exemplaires, passe pour clore une époque : celle où l’on pouvait encore croire en l’existence d’une transformation politique menant à un monde plus juste.

Dans Le Monde, l’ancien stalinien Jorge Semprun s’associe au libéral Jean-Pierre Rioux pour consacrer le livre de Furet : « Voilà un chef-d’œuvre, au sens le plus “peuple” et le plus instructif du terme. Tout simplement un travail capital et difficile d’artisan qui passe maître dans sa corporation [4]. » Consécration confirmée par Libération : « On s’en doutait depuis pas mal de temps déjà mais François Furet nous le confirme magistralement, preuves à l’appui : les deux fléaux qui ont fait du XXe siècle la période sans aucun doute la plus sanglante de notre Histoire sont de faux jumeaux, issus de la même matrice, des mêmes haines [5]. »

Deux ans après le coup d’éclat du Passé d’une illusion, François Furet ayant entre temps passé l’arme à gauche, la vie éditoriale française connaît une nouvelle offensive des tenants de la repentance révolutionnaire, cette fois sous la plume de Stéphane Courtois – passé, lui, par le rival chinois du stalinisme, même si sa directrice de thèse, Annie Kriegel, fut quant à elle formée à l’école moscovite orthodoxe. Dans la préface du Livre noir du communisme qu’il dirige, l’historien met en avant le fait que le communisme aurait selon lui causé la mort de cent millions d’êtres humains au cours du XXe siècle [6]. S’en suit une forte polémique mêlant enjeux intellectuels et politiques.

Du côté des premiers, on se demande s’il est pertinent d’agglutiner ainsi, dans la seule recherche du spectaculaire, les morts du goulag, de la répression du Printemps de Prague, de la Révolution culturelle maoïste et du régime génocidaire des Khmers rouges. Plusieurs co-auteurs du livre dirigé par Stéphane Courtois exprimeront d’ailleurs publiquement à ce sujet leur désaccord avec les thèses du préfacier et maître d’ouvrage du Livre noir du communisme.

Du côté des seconds, le PCF (qui participe alors au gouvernement dans le cadre de la « gauche plurielle ») souligne par la voix de son dirigeant Robert Hue que « le communisme est un mouvement. Il n’est pas né en 1917 et mort en 1991. En France, il a engagé son parcours depuis Babœuf [7], il est présent dans l’histoire de ce siècle. Je ne veux pas dissocier ce qui a été persécution et ce qui a été espoir de libération humaine, son essence profonde [8] ».

Traduit en seize langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires dans le monde, Le Livre noir du communisme participe à installer l’idée d’une équivalence, en tant que « systèmes totalitaires », entre communisme et nazisme.

Tel est le contexte dans lequel The Age of extremes est reçu en France : un violent anticommunisme animé pour l’essentiel par d’anciens communistes. Un contexte dans lequel la double thèse d’Hobsbawm – à savoir, pour le résumer trop vite que, d’une part, le clivage dans les années 1930 entre fascisme et antifascisme (que l’URSS était alors le seul État à incarner) reste la clé de lecture de la situation mondiale ; et d’autre part que l’URSS fut bien moins responsable que les États-Unis de la guerre froide qui a conduit le monde jusqu’au bord du précipice de l’abîme nucléaire –, cette thèse étaient insupportables aux éditorialistes et à la majorité des historiens français des années 1990.

Eric Hobsbawm, qui s’est rendu chaque été en France depuis les années 1930 et parlait parfaitement le français (parmi une demi douzaine d’autres langues) n’a jamais été dupe de cette extrême polarisation de la vie intellectuelle parisienne dégénérée sous l’emprise du stalinisme et dont les séquelles furent durables. « Le PCF, organisation visiblement dirigée par des sergents-majors, avait un talent extraordinaire pour persécuter les intellectuels avant de s’en faire des ennemis », observe-t-il dans ses Mémoires [9]. Après avoir été régulièrement invité dans les colloques et les revues d’histoire française (à commencer par les prestigieuses Annales) jusqu’à la fin des années 1970, Hobsbawm devient insensiblement persona non grata durant les années 1980. De même que les dirigeants déchus de l’URSS étaient gommés des photographies officielles, l’historien britannique disparut du débat historiographique français à mesure que montaient en puissance les différents formes de repentance des anciens marxistes.

La réception française de The Age of Extremes commence officiellement par un très curieux numéro de la revue Le Débat, propriété des éditions Gallimard et dirigée par l’historien Pierre Nora [10]. On ne se lassera jamais de s’étonner que le Nora directeur de collection juge le livre peu important tandis que le Nora directeur de revue le juge digne de centaines de pages de commentaires. Évoquons ces derniers.

Trois universitaires anglo-saxons, Michael Mann, Benjamin Schwartz et Christian Meir, voient leurs textes traduits de revues anglo-saxonnes. Non seulement le procédé laisse perplexe quant à la justification du refus de traduire le livre en français,mais ces trois auteurs saluent un livre majeur, tout en reprochant à Hobsbawm, pour l’essentiel, sa méconnaissance des sciences sociales – que l’auteur reconnaît du reste volontiers, comme on le lira, dans « Commentaires » [11].

Le texte de l’historien Krysztof Pomian, membre de la direction du Débat, est d’une teneur nettement plus idéologique. En plus de trente pages, il critique un livre dont il souligne en conclusion que «  nul ne pourra écrire désormais une histoire du XXe siècle sans prendre position face à ce livre ». Ancien communiste lui aussi, Pomian reproche à Hobsbawmson philosoviétisme, en particulier durant la période décisive des années 1930. « Est inacceptable ici […] l’utilisation de deux poids et de deux mesures : condamnation de Munich et apologie du pacte Hitler-Staline. […] Le problème, c’est que la schématisation qu’il propose et qui consiste à mettre au centre le conflit entre le fascisme et l’antifascisme ne suffit pas à rendre intelligible le paysage idéologique et politique de l’entre-deux-guerres [12]. »

Pomian critique La première thèse d’Hobsbawm sur la primauté du clivage entre fascisme et antifascisme dans les années 1930 au profil d’une grille de lecture, typique des années 1990, opposant totalitarismes et démocraties. La seconde thèse qui irrite le co-directeur du Débat est celle du caractère apaisant de l’URSS dans les tensions de la guerre froide. Tenant de la vision qui oppose, dans l’histoire du XXe siècle, totalitarismes et démocraties, Pomian reproche à Hobsbawm sa lecture « de la guerre froide, qui reste une énigme dans tout ce qui en faisait un conflit différent d’une confrontation, pour ainsi dire classique, des deux superpuissances ayant des intérêts géostratégiques opposés, parfois même incompatibles ». Pour résumer cette longue critique,« une des faiblesses majeures du livre d’Hobsbawm, c’est qu’il isole deux séries de faits, dont l’un est pourtant indispensable de l’autre : la politique intérieure de l’URSS des années 1920-1930, marquées par la montée de la terreur, et les évolutions des relations internationales ». On lira dans le texte sobrement intitulé « Commentaires » les réponses d’Hobsbawm. Et on retiendra de ses Mémoires cette observation : « Quelques individus, qui avaient été plus staliniens, ou même maoïstes, dans leur jeunesse que je ne l’aie jamais été m’en voulait de ne pas avoir suivi le même chemin qu’eux [13]. »

Mais entre le milieu des années 1990, quand paraît The Age of extrême, et la fin du siècle, le paysage politique français connaît une évolution notable : celle du retour d’une gauche « de gauche » qu’on croyait lessivée par les deux septennats de la présidence de François Mitterand. Alors que Le Débat continue de prêcher la « fin de l'histoire », les grandes grèves victorieuses de l’automne 1995 contre la réforme du régime de retraite des cheminots incarne le renouveau syndical de la gauche ; qui s'accompagne, politiquement, de l’arrivée au pouvoir du gouvernement de la gauche plurielle en 1997 puis l’élection, deux ans plus tard, de cinq députés européens se réclamant du trotskisme ; et, socialement, dans des masses jusque-là non organisées politiquement, de l’essor du mouvement altermondialiste qui marque les esprits par ses manifestations de Millau, Gênes et Seattle.

La réception de la première traduction de ce livre s’en ressent. La même presse qui avait encensé Le Passé d’une illusion et Le Livre noir du communisme prête une attention bienveillante à la traduction française de The Age of Extremes. Même si l’appréciation de la place de l’URSS dans le XXe siècle reste un point de divergence majeur.

À l'automne 1999, pour l’historien Laurent Douzou, qui salue « un manuel brillant et un essai contestable », il n’en reste pas moins que, « enclin à l’indulgence pour le défunt régime soviétique, Hobsbawm a beau peindre Staline en “autocrate d’une férocité, d’une cruauté et d’une absence de scrupules exceptionnelles, pour ne pas dire uniques”, cela ne saurait dispenser d’une analyse serrée des rouages gouvernementaux, et le goulag appelle plus qu’une mention rapide de sa main-d’œuvre carcérale de millions de détenus [14] ».

Et en janvier 2000, le recenseur anonyme du magazine L’Histoire qui avait titré quelques mois plus tôt sur un tonitruant « Communisme : 100 millions de morts ? » souligne de son côté qu’il faut « se frotter les yeux pour trouver du philosoviétisme dans cet ouvrage » avant de préciser aussitôt, manifestement indigné : « Sans nier le coût humain des décennies staliniennes, que [Hosbawm] chiffre à plusieurs millions de victimes, il écrit que, “dans les années 1960 et 1970, l’URSS devint bel et bien une société où le citoyen ordinaire courait moins de risques d’être tué – d’être victime d’un crime, d’une guerre civile ou de l’État – que dans bon nombre de pays d’Asie, d’Afrique et des Amériques”. »

Ce mouvement eut pour conséquence indirecte de conférer à Hobsbawm une influence sans précédent en France. Âgé, mais en pleine possession de ses moyens, le vieil homme honora soutenance de thèses, discours académiques et conférence inaugurales, toujours ou presque affublé du titre de plus en plus en plus improbable d’« historien marxiste ». On le consulte, on l’interroge, y compris dans la presse qui fut la plus hostile à son approche du XXe siècle. Il connaît même la consécration lorsqu'il est invité en compagnie du cinéaste Jean-Luc Godart par l’historien Marc Ferro dans Historie parallèle (Arte, 6 mai 2000), qui passe alors pour ce qui se fait de mieux en matière de discussion publique des enjeux de l’histoire.

Hobsbawm s’amuse dans ses Mémoires de ce tardif retour en grâce. Lui qui avait connu ses premiers enthousiasmes politiques dans la France du Front populaire, il les retrouvent à l’occasion de la sortie de l’édition française de son livre, en particulier à l’occasion d’un débat en Sorbonne [15]. Hobsbawm en garda un souvenir ému : « Parmi les personnes, arrivées en assez grand nombre pour remplir l’immense auditorium, peu avaient lu mes ouvrages. […] Ils étaient plutôt attirés par le fait que quelqu’un – moi en l’occurrence – parlait franchement, dans un esprit critique, et même autocritique (sans verser dans l’autoflagellation) et avec fierté, au nom de ceux qui souhaitaient une gauche débarrassée des anciens clivages de partis et des dogmes orthodoxes. J’aime à penser qu’en cette occasion, j’ai assisté à une sorte de réveil, si bref fût-il, de la gauche intellectuelle parisienne après une longue période de siège [16]. »

On ne suivra sans doute pas l’éternel optimiste du vieil historien dans son appréciation d’un réveil durable de la gauche française. Aucun des événements qui ont suivi son décès en 2012 ne l’ont hélas confirmé. Et si on constate le recul médiatique des chantres de l’anticommunisme expiant leurs jeunesses révolutionnaires,ils sont remplacés par de plus jeunes (qui, eux, n'ont jamais été communistes) et l’« anti-totalitarisme », qui est l’autre nom de l'anticommunisme, est devenu un lieu commun en voie d'institutionnalisation [17]. Mais d’autres voix se font entendre, rétives à la réduction du XXe siècle à l'irrésistible victoire du seul modèle social et politique des démocraties libérales, c'est-à-dire du capitalisme.

La réédition de ce livre, vingt après, n’a d'autre ambition que de nous aider à imaginer comment faire face à ce XXIe siècle marqué par une urgence écologique indissociable de l’impératif social et politique qui a marqué le précédent.

Nicolas Chevassus-au-Louis

Postface inédite à la deuxième édition deL’Ère des extrêmes, Agone, 2020.

Notes
  • 1.

    François Furet, Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle [1995], Le Livre de poche, 2003.

  • 2.

    Hannah Arendt,The Origins of Totalitarism, New York, Harcourt, Brace, 1951 (trad. fr. Le Système totalitaire, Seuil, 1972 et La Nature du totalitarisme, Payot, 1990).

  • 3.

    François Furet,Le Passé d’une illusion…, op. cit., p. 809.

  • 4.

    . Jean-Pierre Rioux, « L’autre mort du communisme », Le Monde, 20 janvier 1995

  • 5.

    Jacques Amalric, « Le Clou dans la faucille »,Libération, 20 février 1995.

  • 6.

    Stéphane Courtois (dir.),Le Livre noir du communisme. Crime terreur et répression, Robert Laffont, 1997.

  • 7.

    Né en 1760, Gracchus Babœuf adhère aux idéaux révolutionnaires. Il est guillotiné en 1797 pour avoir organisé contre la Directoire la conspiration dite « des Égaux », qui fit de lui un ancêtre de l’idée communiste.

  • 8.

    Robert Hue, « Antistalinien jusqu’au bout des ongles »,L’Humanité, 5 décembre 1997.

  • 9.

    Eric Hobsbawm,Franc-Tireur. Autobiographie, Ramsay, 2005, p. 389.

  • 10.

    Entre autres curiosités de cette affaire, alors que les trois précédents volumes qu’Eric Hobsbawm a consacrés à l’histoire du monde depuis la Révolution française ont été édités chez Fayard (groupe Hachette), et que c’est donc cet éditeur qui a refusé de faire traduire et éditer le dernier, c’est Nora qui en a endossé le refus pour la communauté des historiens français. [ndlr]

  • 11.

    Paru en 1997 dansLe Débat (no 93, p. 85-92), « Commentaires » est réédité dans L’Ère des extrêmes (Agone, 2020, p. 63 et suiv.).

  • 12.

    Krzysztof Pomian, « Quel XXe siècle », Le Débat, 1997, no 93, p. 41-75.

  • 13.

    Eric Hobsbawm,Franc-tireur, op. cit., p. 397.

  • 14.

    Laurent Douzou, « Un manuel brillant et un essai contestable »,Le Monde, 28 octobre 1999.

  • 15.

    Rencontre qui fut l’objet d’un numéro spécial de laRevue d’histoire moderne et contemporaine (2006, no 53-54 bis, p. 72-76), où paraît notamment un texte d’Eric Hobsbawm, « Autobiographie de l’historien en franc-tireur » (rééd. L’Ère des extrêmes, Agone, 2020, p. 881 et suiv.).

  • 16.

    Eric Hobsbawm,Franc-tireur, op. cit., p. 398.

  • 17.

    « Le 19 septembre 2019, les eurodéputés ont adopté une résolution “sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe” qui place sur un pied d’égalité “les régimes communistes et nazi”. » Cité par Pierre Rimbert, « Faussaires », Le Monde diplomatique, novembre 2019 ; lire aussi « L’histoire en roue libre », idem, décembre 2019.