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Croisements biographiques entre René Char et Georges Mounin

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, un an après la parution de Seuls demeurent, poésie marquée par l’engagement dans la Résistance de René Char, l’instituteur et résistant George Mounin consacre à son œuvre un recueil critique déterminant, ouvrant la décennie qui fut pour le poète « celle de la notoriété sans équivoque, et sans conteste ».

À l'occasion du centenaire de la naissance de René Char, un quotidien donnait la chronologie suivante[1] :

1907. Naissance à L'Isle-sur-la-Sorgue
1928. Cloches sur le cœur, premier recueil à compte d'auteur
1929. Adhère au mouvement surréaliste, jusqu'en 1935
193[5]. Le Marteau sans maître, chez Corti
194[2]. Entre dans la Résistance, refuse de publier pendant la guerre
1945. Seuls demeurent, chez Gallimard
1946. Avez-vous lu Char ?, par Georges Mounin [Éditions Gallimard-« Les Essais »]
1953. Pierre Berger lui consacre un volume de « Poètes d'aujourd'hui » [Éditions Seghers]
1967. Fureur et Mystère, en poche [Éditions Gallimard-« Poésie », no 15]
1983. Œuvres complètes en « Pléiade » [Éditions Gallimard]
1988. Meurt

Parmi les onze événements marquants de la vie de René Char figure ainsi la parution en 1946 des essais que Georges Mounin a consacrés à sa poésie[2]. Ce qui n'est pas exagéré quand on sait que, tout au long des années 1943 et 1944, le poète faisait à son lecteur ce genre de déclaration : « Vous avez pris le chemin de mes artères et vous êtes entré en totalité dans le corps de ma poésie. Ce que vous projetez de ma joie et de mon tourment tient à ces quartiers entiers de mes embrasures les plus secrètes, les moins foulées. Vous dites bien, vous pensez bien, votre clé est teintée du sang de mes yeux et de mon cœur.[3] »

À la fin des années 1930, le futur auteur d'Avez-vous lu Char ? – qui décrit comme « un choc, une révélation, voire une initiation [sa] rencontre avec la poésie vivante » à l'origine de son livre[4] – ne s'appelle pas encore Georges Mounin (pseudonyme qu'il prendra en 1943 lors de son engagement dans la Résistance) mais Louis Leboucher[5]. Né en 1910, ce fils d'un ouvrier verrier de Vieux-Rouen-sur-Bresle (Seine-Maritime) sort de l'École normale en 1929, enseigne le français et l'histoire à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault) puis, en 1930, au lycée français de Port-Saïd (Égypte) – cette première période d'enseignement est interrompue, en 1932-1933, pour son service militaire à la base du Bourget (Seine-Saint-Denis). Louis Leboucher adhèrera à la Ligue anti-impérialiste et à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) avant de reprendre son poste à Port-Saïd – où il rejoint le Parti communiste égyptien, qui l'envoie en juillet 1935 au VIIe Congrès de l'Internationale communiste à Moscou[6]. Il prendra sa carte du PCF lors de son retour en France en 1938, où il a été nommé à L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse) : le voici donc sur les terres de René Char, à qui il loue, avec son épouse et leur premier enfant, une partie de la demeure familiale du poète, aux « Nevons ».

Mobilisé en 1939, Louis Leboucher est agent de liaison pour l'armée française lorsqu'il est fait prisonnier. Il s’évade en 1940 puis, démobilisé, retourne à L’Isle-sur-la-Sorgue, où il passe le printemps. Signalé comme communiste par l'administration, il est muté en 1941 à La Tour-du-Pin (Isère), où il enseignera jusqu'en 1946 et dont il sera conseiller municipal – « à mon corps défendant », écrit-il[7].

De son côté, René Char s’est engagé dans la Résistance auprès des Forces françaises combattantes, en 1942, sous le nom de « capitaine Alexandre », section « atterrissage parachutage » des Basses-Alpes[8]. Il « refuse de publier pendant la guerre » mais ne s'arrête pas d'écrire : en réponse à la vingtaine de lettres que Mounin lui envoie pour s'assurer qu'il « lisait et sentait cette poésie comme elle devait l'être », le poète accompagnait presque toujours ses réponses « d'un ou plusieurs des poèmes qui ont constitué, en 1945, Seuls demeurent »[9]. Mais aussi de précisions et confirmations enthousiastes : « Toujours merci de fertiliser mes poèmes. Ne me faites pas trop tarder à connaître la suite de vos travaux » ; « On m'a apporté de Céreste l'autre jour votre manuscrit. Je le parcours en tous sens le soir dans mon lit. C'est un très beau et très émouvant travail »; « Chacune de vos explications sonne une étoile et tout le ciel carillonne. Je me rends complètement à vos raisons » ; etc.[10]

Quelle est la réception de l'œuvre de René Char à la fin des années 1930 et au début des années 1940 ? Revenant sur cette période, Mounin souligne que « ce n'est pas le silence ; et même que c'en est loin », puisqu'on trouve déjà le nom de Char cité aux côtés de ceux de Novalis, Rimbaud, Lautréamont, Breton, Éluard et Tzara. Quant à la décennie 1945-1954, elle fut pour le poète « celle de la notoriété sans équivoque, et sans conteste »[11]. En plus de l'entrée en 1945 du poète chez Gallimard, où paraîtra bientôt l'essentiel de son œuvre[12], citons les illustrations originales données à ses recueils par Georges Braque, Henri Matisse, Joan Miró, Nicolas de Staël, Wilfredo Lam, Alberto Giacometti, Pablo Picasso, Max Ernst, etc. ; la mise en scène, y compris pour la télévision, de son théâtre et de ses ballets ; enfin la traduction de son œuvre en anglais et en allemand (préfacée par Albert Camus) ou encore la mise en musique de sa poésie par Pierre Boulez[13].

En 1946, Georges Mounin est nommé à l'école normale d'Aix-en-Provence, où il enseignera l'italien jusqu'en 1958 – de ces années datent la plupart des textes qui complètent la dernière réédition d’Avez-vous lu Char ?[14] Détaché quatre ans au CNRS, il soutient en 1963 une thèse sur Les Problèmes théoriques de la traduction puis rejoint l'université de lettres d'Aix-en-Provence où il sera nommé professeur de linguistique générale, de stylistique et de sémiologie. De 1950 à 1958, il est conseiller municipal de la « ville d'eaux et d'art » sous étiquette PCF (parti qu'il quittera en 1980.

De l'après-guerre au milieu des années 1950, la correspondance entre les deux hommes témoigne d'une collaboration étroite, amicale et fructueuse, où Char demande à Mounin son avis sur ses manuscrits ou encore des conseils sur la traduction de ses poèmes en anglais[15] ; et de son côté, outre le soutien du poète pour la parution de ses textes (ou même dans des démarches auprès du ministère de l'Éducation nationale), l'essayiste et enseignant bénéficie de son entregent[16].

En 1960, Mounin signe la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, dit « Manifeste des 121 » ; en 1965, Char enrôle Mounin dans la campagne de protestation contre l'implantation d'un site de lancement de missiles nucléaires sur la plateau d'Albion (Haute Provence)[17].

Comme Georges Mounin l'explique à plusieurs reprises dans ces pages, sa lecture de la poésie est marquée par les préoccupations d'un enseignant pour « la communication (c'est-à-dire la transmission) ». Ce qui n'est pas une position très confortable puisque, « comme presque tous les poètes, René Char est viscéralement opposé à tout ce qui est commentaire : il pense que la poésie ne peut pas s'expliquer »[18]. En face de quoi Mounin tient la position du lecteur, qui « veut partager avec le plus de certitude possible la signification du poème pour le poète : il veut communiquer, si difficile que ce soit »[19]. Une position que Char semble soutenir sans trop de réserves lorsqu'il lui écrit, en 1943 : « Chaque rameau de votre pensée tiré de ma pensée, de ma poésie est vrai, juste et agissant prolongement critique de mes racines obscures jusqu'au toucher de l'air en fleurs. Vous me persuadez en même temps que vous persuadez le lecteur du fonctionnement fervent de mes poèmes. […] Pour la première fois je suis pleinement heureux et satisfait de l'interprétation d'un de mes textes. Vous transcrivez le morse de ma respiration comme le navire ressasse la mer.[20] »

À partir des années 1960, Mounin forge ses commentaires de la poésie avec les outils de la linguistique, surtout celle d'André Martinet – à qui il a dédié, ainsi qu'à Char, son dernier livre, Sept poètes et le langage (1992). Et s'il est devenu plus attentif à la dimension linguistique du travail poétique, la même préoccupation pour la transmissionimprègne déjà ses textes sur la poésie dans les années 1940, où il met en application « ce besoin de communication vérifiable et vérifiée avec le texte et avec [lu]i-même qui [l]'a sauvé de l'autosatisfaction et de l'auto-affirmation, des jargons et des galimatias »[21].

Ainsi lorsque Mounin extrait l'obscurité de Char de tout « ésotérisme dépité », « hermétisme attrape-mouches » et autre « carnaval métaphysique » pour en faire la « rançon de la fidélité poétique », le résultat de l'« inlassable attention » portée par le poète « aux moyens les plus exacts de s'exprimer ». Ou quand il accompagne l'« effort par où Char échappe au surréalisme figé pour demeurer poète vivant » par une critique des errances de ce mouvement, de l'hermétisme et de l'artifice, de ses prétentions démesurées (en matière de connaissance), de ses complaisances dans l'irrationnel ou de l'abus de métaphores[22]. Ou encore lorsqu'il affronte le « problème empoisonné de l’œuvre ouverte » et les conceptions d'Umberto Eco et de Roman Jakobson, qui font de l'« ambiguïté une propriété intrinsèque, inaliénable, de tout message centré sur lui-même », auquel Mounin oppose (ainsi qu'à Valéry et à Breton) « ce qui nous intéresse, nous lecteurs » : « Être assurés que les associations que le texte déclenche en nous sont identiques, ou semblables, ou très apparentées à celles que le poète tentait d’exprimer. »[23]

Mais on ne voit jamais aussi bien la passion de Mounin pour la communication que lorsqu'il oppose sa lecture de Char (et de la poésie) à celle de Blanchot, dont il qualifie la métaphysique du silence et la théorie de l'incommunicabilité de « cancer intellectuel ». À ses yeux, la poésie ne vaudrait pas « une heure de peine » si, comme Blanchot l'affirme, elle « est le signal qui manifeste le silence de l'homme enfermé en soi-même » ; si « le poème exprime l'impuissance de l'homme à nommer le monde, à traduire ce qu'il en a vécu ».[24]

L'attachement de Mounin à la communication, et notamment à la communication poétique, est sans doute indissociable de sa conception de la connaissance, et de la connaissance poétique en particulier. Le premier fil est bien sûr sa manière de lire et sa pratique du commentaire – qui n'est pas « expliquer » mais « aider, situer, accompagner, éclairer la lecture » : tournant le dos à « tout raisonnement a priori », Mounin rabat sa conception de la lecture sur l'émotion. Et d'abord sur ses émotions, qu'il a « écoutées longtemps et attentivement » pour « les bien saisir et les discerner » ; et dont la présence ou (l'absence) sont « en un sens la signification même des poèmes »[25]. Pour lui, ce qui « fait d'un énoncé linguistique un poème », ce sont « les effets qu'il a produits sur ses lecteurs », c'est-à-dire « d'abord des émotions, quelles qu'elles soient », dont il faut partir pour « cheminer vers l'analyse de ce qui, dans le texte, pouvait provoquer ces effets, et non d'autres »[26]. Enfin, qualifiant la connaissance poétique de « connaissance émotionnelle », Mounin fait du poème la « conservation-transmissibilité de cette connaissance », qu'il ne s'agit pas de mesurer ni de substituer à la connaissance logique, rationnelle, scientifique, car elles sont « moins antagonistes que complémentaires » – la connaissance poétique étant « productive dans le domaine de la sensibilité », où l'« intelligence ne produit rien ». C'est pourquoi Mounin ne tient pas Hölderlin, Shelley, Vigny, Auden, Lamartine, Mallarmé ou même Valéry pour « des poètes philosophiques par les systèmes qu'ils exposent ou qu'ils utilisent mais par l'émotion qu'ils éprouvent ». Non moins précieuse que la philosophie et la science, la poésie se charge de l'émotion – c'est-à-dire, pour Mounin, de l'« infrarouge de la connaissance »[27].

Au début des années 1990, après donc un demi-siècle de compagnonnage avec la poésie de Char, Mounin affirme n'être « pas sûr d'avoir jamais compris ce qu'on pourrait nommer “système de pensée de René Char” ». Pourtant, dans le dernier texte que le linguiste consacre au poète, quatre ans après la parution de ses Œuvres complètes en « Pléiade », Mounin se laisse convaincre par la « construction » que donne Jean Roudaut dans sa longue introduction et conclut : « Les références du poète aux présocratiques […] constituaient sans doute, à ma grande surprise, une part fondamentale du système de pensée de René Char. » Aussi le linguiste ouvre-t-il son texte avec un développement sur l'Être, Héraclite, etc., reprenant par là l'interprétation désormais dominante de l'œuvre du poète – avant de revenir à sa vision propre de la poésie comme saisie des relations entre le monde et les mots, qui en sont l'expression transmissible et conservent le « contact le plus neuf possible entre l'existant [les humains englués dans le quotidien] et l'Être [l'essence presque jamais perçue de la réalité][28] » Mais Mounin précise aussi que ces références rendent compte, à ses yeux, « de l'amitié [de Char] pour Heidegger et Jean Beaufret, qui [l]'avait toujours étonné »[29]. Une toute petite phrase pour une grande affaire…

Un quart de siècle sépare les trois derniers textes que Mounin a fait paraître sur Char (1966-1992) de la vingtaine qu'il a écrits au cours du quart de siècle précédent (1943-1966). Durant ces années, le linguiste poursuit sa carrière universitaire[30] – avec des enseignements en Amérique du Nord et, après sa retraite (1976), une nomination à l'Académie royale néerlandaise des sciences et des lettres (1980). De son côté, le poète continue de gravir le chemin qui le mènera au Panthéon littéraire. Mais cette période s'ouvre aussi par le premier « séminaire du Thor », organisé par Jean Beaufret en marge de l'invitation par René Char de Martin Heidegger à venir le voir chez lui, à L'Isle-sur-la-Sorgue, en septembre 1966[31]. Les trois hommes avaient fait connaissance dix ans plus tôt, à Paris, mais ces rencontres dans le Vaucluse, bien qu'assez confidentielles et publiées dix ans plus tard[32], affichent publiquement un dialogue déterminant pour l'interprétation dominante de l'œuvre de Char – Heidegger faisant de la poésie « une cime “parallèle” (l'une “à côté de l'autre”), à hauteur égale, à la pensée », disait Jacques Derrida[33]. Sur fond de paysage provençal, avant-goût de la Grèce, favorable à l'invocation de la parole d'Héraclite, après des matinées consacrées à la philosophie – auxquelles Char ne participe pas –, « le poète et le penseur se rencontrent l'après-midi, pour converser, se promener »[34].

Même si l'affaire a surtout affolé le chœur des heideggériens français (Jacques Derrida, Maurice Blanchot, François Fédier, etc.), il est peu probable qu'en 1966-1967 Mounin n'ait pas été au fait des accusations d'antisémitisme portées sur Beaufret[35], bien connu à l'université d'Aix-en-Provence et qu'il avait au moins croisé, en 1963, dans le sommaire d'un recueil consacré à René Char[36]. Et il est certain que le linguiste eut accès, vingt ans plus tard, à la confirmation des positions politiques de Beaufret par la publication, en 1987, des deux lettres de soutien qu'il avait envoyées au révisionniste Robert Faurisson[37]. Quant à Heidegger, quelqu'un d'aussi informé que Mounin – et d'aussi radicalement opposé aux divers courants heideggériens français[38] – n'a pas eu besoin d'attendre la fin des années 1980 pour refuser les images d'Épinal ni que des auteurs montrent, en amont de son entrée en 1933 dans le parti d'Adolph Hitler, la place centrale de l'antisémitisme et du nazisme dans la pensée du philosophe allemand.[39]

On comprend bien que l'ancien résistant communiste Georges Mounin ait « toujours été étonné » de l'amitié que l'ancien résistant gaulliste René Char avait eu pour Martin Heidegger et Jean Beaufret. Un étonnement qui a dû commencer dès sa lecture du récit que donne ce dernier de la rencontre entre le philosophe et le poète comme celle de « deux Différents de même race et marqués tous les deux d'une étincelante solitude, car ils ne différaient que dans un même souci, celui qui se garde des mots afin que soit une parole[40] »…

De son premier livre, Mounin écrivait, humblement, à la fin des années 1960, que « c'est à la dimension de la poésie de Char elle-même en premier lieu qu'il doit d'être toujours lu » ; mais il précisait aussitôt que « même le plus grand des poètes n'a pas le pouvoir de sauver tous ses critiques »[41]. L'objet de cette préface est bien de montrer que les qualités propres de la lecture de Mounin, et en particulier son indépendance face aux interprétations dominantes de l'œuvre du poète et aux errances de la critique littéraire, rendent indispensable cette quatrième édition d'Avez-vous lu Char ? soixante-dix ans après sa parution initiale.

Thierry Discepolo

Préface à Avez-vous lu Char ?, Agone, 2017

Notes
  • 1.

    Jacques De Decker et Pierre Maury, « Le centenaire de René Char, poète exigeant », Le Soir (Bruxelles), 30 mars 2007 – entre crochets, nos précisions et corrections.

  • 2.

    Avez-vous lu Char ? fut réédité une première fois en 1969, complété d’une série d'articles consacrés à la « communication poétique ». Trente ans plus tard, le recueil d’origine reparaît au format poche, chez le même éditeur. En 1943, après avoir poussé Mounin à présenter son projet à Gallimard (qui allait éditer Seuls demeurent), Char lui donne des conseils éditoriaux pour la présentation de son manuscrit puis soutient et accompagne la parution de son livre. Dès 1966, Char confie à Mounin être contrarié que son livre (dont il ne se lasse pas de vanter les qualités) soit épuisé, insistant pendant deux ans pour qu'il propose à Gallimard une réédition augmentée des textes qu'il avait écrits depuis sur son œuvre. (Resp. Lettres de René Char à Louis Leboucher, 25 décembre 1943 ; 23 octobre 1944, en-tête « Forces Françaises Combattantes. État-major particulier du général de Gaulle. SAP. Section Atterrissage Parachutage. France. R2, PC Avignon, 71, rue Joseph-Vernet » ; 30 mars 1945, en-tête « 6, rue V. Sardou, Paris » ; 20 octobre 1949, Paris ; et Lettres de René Char à Louis Leboucher, 15 juillet 1966, 29 décembre 1967 et 9 janvier 1968 – en-tête « Les Busclats, L'isle-sur-Sorgue, Vaucluse ».)

  • 3.

    Extrait d'une lettre de René Char à Louis Leboucher, 28 février 1944.

  • 4.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, Agone, « Introduction », p. 1.

  • 5.

    Les éléments biographiques, revus et complétés par les filles de Georges Mounin, Claire Briançon et Hélène Leboucher, on été établis à partir des « Notes biographiques » de Conrad Bureau, Bibliographie de Georges Mounin (Éditions Bref, Neuville, Québec, 1994) et des textes suivants : Franck Vénaille, « La mort de Georges Mounin, le vieux liseur têtu », Le Monde, 10 janvier 1993 ; Francine Bordeleau, « Le linguiste Georges Mounin s'éteint à 82 ans », Le Devoir, 12 janvier 1993 ; « Georges Mounin », Le Devoir, 22 février 1993 ; « Hommage à Georges Mounin. Vieux-Rouen-Sur-Bresle », Paris-Normandie, 25 juillet 2006 ; Luc Bouquiaux, « Hommage à Georges Mounin », La Linguistique, 2006, Vol. 42, p. 151-154.

  • 6.

    De cette période datent les deux premiers livres de Mounin, Le Chauvinisme linguistique puis Littérature et colonialisme. L'Égypte dans la littérature française, publiés sous couvert d'anonymat aux Cahiers du contre-enseignement prolétarien, respectivement en 1935 et 1936. (Conrad Bureau, Bibliographie de Georges Mounin, op. cit., p. 19.)

  • 7.

    « Notes biographiques », ibid., p. 141.

  • 8.

    Sur l'engagement de Char dans la résistance gaulliste, lire la chronologie donnée in « René Char », Cahiers de L'Herne, 1975.

  • 9.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 2.

  • 10.

    Extraits de lettres de René Char à Louis Leboucher, 8 mars 1944 ; 23 octobre 1944 et 21 novembre 1944, en-tête « Forces Françaises… », op. cit.

  • 11.

    Citations de Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 181, 183. Sur la réception de René Char à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, lire Nathalie Froloff, « Char et les revues littéraires : étude de réception de 1945 à 1949 », in René Char en son siècle, Classiques Garnier, Paris, 2009, p. 341-355.

  • 12.

    L’édition de Char commence toutefois vraiment chez Guy Lévis Mano (éditions GLM), avec qui Char semble avoir eu des « relations d'amitiés » quand ses rapports avec Gallimard étaient plus compliqués – « Tous les gens de la maison me sont étrangers (ou hostiles). Je n'ai jamais essayé de prendre un appui quelconque sur ce bateau-ponton [… et] ne rencontre jamais un éditeur », écrivait-il à Mounin en 1956 ; Char comptait pourtant des alliés chez Gallimard, dont Albert Camus, Paul Éluard et Raymond Quenau, mais aussi des inimitiés puissantes, comme Jean Paulhan, son « vieil ennemi » ; voire des haines tenaces, comme pour Aragon, dont il témoigne dans sa correspondance. (Lettres de René Char à Louis Leboucher, samedi [—] 195[6] (sur GLM vs Gallimard) ; 30 mars 1945, Paris (sur Queneau et Éluard) ; 21 novembre 1944, en-tête « Forces Françaises Combattantes… » et 11 novembre 1957 (sur Paulhan) ; 28 février, 29 octobre et 14 décembre 1945, mars-avril 194[8] (sur Aragon). Sur Char, Mounin et Aragon, lire aussi, Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., note I p. 12.)

  • 13.

    Informations collectées dans la chronologie que donnent les Œuvres complètes de René Char (Gallimard-« La Pléiade », [1983] 1995, p. LXIII et suiv.).

  • 14.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., chap. XIV-XVIII.

  • 15.

    Lettres de René Char à Louis Leboucher, 14 août 1945, 1er mars et 11 juin 1946, L'Isle (sur Hypnos) ; 13 mars 1953, mercredi [—], en-tête « 5, rue Jules Chaplain, 6e », vendredi [—] 1953 et 31 janvier 1954 (sur les traductions en anglais).

  • 16.

    En plus du soutien auprès de Gallimard cité plus haut, lire les lettres de René Char à Louis Leboucher, 15 septembre 1949 (soutien pour la revue Empédocle) ; 20 juin 1945 et 11 juin 1946, L'Isle (soutien pour la revue Les Cahiers d'art) ; 20 octobre 1949, Paris (soutien pour une mutation de poste et dans la revue Fontaine) ; dimanche [—] 1947, Paris (conférence à Avignon).

  • 17.

    Lettres de René Char à Louis Leboucher, 17 avril, 14 mai 1965, Paris ; 27 mars, 30 mars 1966, Les Busclats ; 12 mai 1966, Paris.

  • 18.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 295

  • 19.

    Ibid., p. 296.

  • 20.

    Extrait d'une lettre de René Char à Louis Leboucher, 2 novembre 1943.

  • 21.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 14.

  • 22.

    Ibid., p. 33, 34, 83, 105.

  • 23.

    Ibid., p. 267, 273.

  • 24.

    Ibid., p. 217.

  • 25.

    Ibid., p. 297, 9.

  • 26.

    (Citation, ibid., p. 7.) Par là, Mounin ne déplace pas seulement l'essence de la poésie vers la transmission des émotions – celles des poètes – mais aussi vers nos émotions, celles des lecteurs dont il se fait solidaire, accompagnateur. Il va inscrire sa réflexion sous un concept plus faible encore que celui d'« émotion » et dans une formule à la matérialité triviale : « Plaisir au poème » – comme on dit « prendre plaisir au travail ». Titre d'un chapitre d'Avez-vous lu Char ? cette expression a été donnée par Mounin à une chronique qu'il a fait paraître dans les Cahiers du Sud tout au long des années 1950. (Parues entre 1952 et 1959 à Marseille, ces chroniques ont été rééditées en 1979 dans le premier tome de Camarade poète par Galilée (Paris) ; puis dans le numéro 12 de la revue Agone en 1994, présentées par Jacques Vialle et introduites par Conrad Bureau ; enfin en 2015, par les éditions Agone, sous le titre Plaisir au poème, dans la collection « Cent mille signes », avec une préface qui revient sur cette formule et une postface de Jean-Charles Depaule et Inês Oseki-Dépré sur « la poésie et les raisons de Georges Mounin ».)

  • 27.

    Lire Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 108, 106, 120, 169, 34. Dans l'ensemble de ses textes sur Char, Mounin utilise 66 fois le mot « connaissance » et 130 fois le mot « émotion » (« émotionnel », etc.) – à comparer avec les mots « théorie (« théorique », etc.) : 29 fois ; ou « système » : 22 fois (et encore, le plus souvent pour en refuser l'usage).

  • 28.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 306, 298.

  • 29.

    Ibid., p. 295, 297.

  • 30.

    Avez-vous lu Char ? fut suivi d'une trentaine de livres (et de plusieurs centaines d'articles) que Mounin a consacrés à la poésie mais surtout à des questions de linguistique et notamment aux problèmes de la traduction. (Conrad Bureau, Bibliographie de Georges Mounin, op. cit., p. 19-124.)

  • 31.

    Sur la rencontre entre Heidegger et Char aux séminaires du Thor (1966, 1968, 1969), lire Dominique Janicaud, Heidegger en France. I. Récit, Albin Michel-« Idées », 2001, p. 240 et suiv.

  • 32.

    Martin Heidegger, Questions IV, Gallimard, 1976 (rééd. Questions III et IV, Gallimard-« Tel », 1990).

  • 33.

    Selon Jacques Derrida, in Dominique Janicaud, Heidegger en France. II. Entretiens, Albin Michel, 2001, p. 125.

  • 34.

    Dominique Janicaud, Heidegger en France. I…, op. cit., p. 240-241.

  • 35.

    Lire les témoignages de Michel Deguy et de Jacques Derrida, in Dominique Janicaud, Heidegger en France. II…, op. cit., p. 79-80 et 97-100 ; et une version convergente dans le récit de Christophe Bident, Maurice Blanchot, partenaire invisible. Essai biographique, Champ Vallon, 1998, p. 463-465.

  • 36.

    En ouverture du numéro que la revue L'Arc (Aix-en-Provence) a consacré à René Char – et où Mounin fait paraître son texte « Les images de la vitre » –, Jean Beaufret revient sur la première rencontre entre Martin Heidegger et René Char, à Paris, au cours de l'été 1955. Le philosophe allemand avait été invité en 1956-1958 à Aix-en-Provence par le même Beaufret – dont la candidature, en 1969, à l'université de cette ville fut rejetée, notamment en raison de l'opposition du philosophe Gilles-Gaston Granger, proche de Georges Mounin. (Jean Beaufret, « L'entretien sous le marronnier », in « René Char », L’Arc (Aix-en-Provence), été 1963, n° 22, p. 1-7.)

  • 37.

    Lire Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire [1981, 1987], Seuil-« Points », 2005.

  • 38.

    En plus de renvoyer à la critique que Mounin donne de Blanchot (Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 17), citons cette conclusion (1973) : « Lacan dit dans son dernier séminaire que la psychanalyse “se distingue par cet extraordinaire pouvoir d'errance et de confusion, qui fait de sa littérature quelque chose auquel je vous assure qu'il faudra bien peu de recul pour qu'on la fasse rentrer, tout entière, dans la rubrique de ce qu'on appelle les fous littéraires”. Humour involontaire ou auto-analyse pathétique sous la désinvolture ? » (Georges Mounin, « Un linguiste “Du sens des mots” », Le Monde, 5 avril 1973 ; lire également « Quelques traits du style de Jacques Lacan », La Nouvelle Revue française, 1969, no 193, p. 84-92.)

  • 39.

    Lire notamment Victor Farias, Heidegger et le nazisme, Verdier, 1987 ; Jean-Pierre Faye, « Heidegger, l'État et l'Être », Lignes, 1988/1, no 2, p. 184 ; Pierre Bourdieu, L’Ontologie politique de Martin Heidegger, Minuit, 1988. Sur la confirmation de ces analyses par les Cahiers noirs, derniers volumes des Œuvres complètes de Martin Heidegger parus en 2004, lire notamment Emmanuel Faye, Heidegger. L’Introduction du nazisme dans la philosophie, Albin Michel, Paris, 2005 ; Emmanuel Faye (dir.), Heidegger, le sol, la communauté, la race, Beauchesne, Paris, 2014 ; François Rastier, Naufrage d'un prophète. Heidegger aujourd'hui, PUF, Paris, 2015.

  • 40.

    Jean Beaufret, « L'entretien sous le marronnier », op. cit., p. 7.

  • 41.

    Georges Mounin, Avez-vous lu Char ?, op. cit., p. 6.