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Malheureux comme Orwell en France (III) L’affaire de la « liste noire » (7)

En 2013, un universitaire britannique spécialisé en histoire littéraire publie une étude sur « les écrivains britanniques et la surveillance du MI5 entre 1930 et 1960 ». S’il n’apporte aucune information supplémentaire sur l’affaire de la « liste noire », cet auteur analyse longuement la qualification politique d’Orwell par la propagande d’État, et surtout la nature de la trahison dont l’écrivain a fait l’objet, plutôt que celle qu’il aurait commise. L’ouvrage de James Smith commence ainsi :

En juin 1940, alors qu’on attendait la reddition française et que l’invasion allemande de la Grande-Bretagne semblait imminente, cette situation n’était pas sans conséquences pour celles et ceux qui avaient une réputation publique d’écrivains de gauche ou de militants antifascistes. Le 20 juin, George Orwell note dans son journal : “Je remarque que tous les intellectuels de ‘gauche’ que je rencontre croient que Hitler, s’il arrive ici, s’occupera de faire exécuter des gens comme nous et aura une liste très étendue d’indésirables. C[yril Connolly [1]] affirme qu’un mouvement cherche à obtenir la destruction de nos dossiers de police à Scotland Yard – car nous en avons tous sans aucun doute. Un peu d’espoir ! Les policiers sont ceux-là mêmes qui iront voir Hitler dès qu’ils seront certains qu’il a gagné ! [2]"
L’invasion n’a pas eu lieu et Orwell n’a pas été abattu à cause des dossiers de la police. Mais il a évidemment gardé sa méfiance à l’égard de la façon dont la Special Branch et d’autres agences de sécurité voyaient les intellectuels de gauche. Elle remonta à la surface en décembre 1945, lorsque Orwell consacra l’une de ses colonnes de Tribune à l’examen d’un incident qui venait de se produire à Hyde Park. Avec son célèbre Speakers’ Corner, le parc londonien avait longtemps été considéré comme un havre de liberté d’expression, mais un groupe de cinq hommes venait d’être condamné par un tribunal pour “obstruction” après avoir vendu des journaux de gauche. Pour Orwell, la nature manifestement partisane de ces arrestations et de ces condamnations n’est pas particulièrement surprenante. Comme il le fait remarquer, “jusqu’à récemment, ‘rouge’ et ‘illégal’ étaient presque synonymes : c’était toujours le vendeur du Daily Worker, par exemple, jamais celui du Daily Telegraph, par exemple, qui était chassé et généralement harcelé [3]”. Mais ce qui a le plus intrigué Orwell dans cet incident, c’est la nature bien ancrée des sympathies politiques des agences gouvernementales chargées de la surveillance politique intérieure, des préférences qui sont cachées au public (et même aux parlementaires).
Ce livre pourrait être décrit comme une tentative de répondre enfin aux craintes d’Orwell et de comprendre comment ces services de sécurité et de renseignement en pleine évolution ont surveillé les écrivains et artistes de gauche de sa génération.

Fondé sur l’étude des archives du Security Service britannique (plus couramment appelé MI5, pour « Military Intelligence, section 5 »), ouvertes entre 1997 et 2012, ce livre retrace la surveillance des auteurs de gauche, l’usage qui a été fait de leurs dossiers de police, les effets sur la production et la carrière des personnes espionnées. Cette surveillance n’a certes pas toujours été sans effet : des surveillances ont, par exemple, interdit quelques auteurs d’accès à la BBC, tandis que d’autres ont su manœuvrer leurs engagements pour satisfaire, auprès de telle ou telle agence, leurs besoins. On voit ainsi « certains radicaux des années 1930 réussir à se réhabiliter aux yeux de l’establishment sécuritaire britannique et à entrer dans les réseaux gouvernementaux dont ils avaient été auparavant exclus ».

James Smith compare aussi la situation britannique avec les services de renseignement aux États-Unis, pour conclure que les premiers « n’ont pas fait preuve du même zèle anticommuniste que leurs homologues américains. L’activité du MI5 était beaucoup plus discrète et n’entraînait que rarement des formes directes de censure, n’ayant pas plus que la Special Branch le pouvoir de bloquer directement la parution de sujets politiquement radicaux ».

Parmi plusieurs autres figures – dont les poètes W. H. Auden (1907-1973) et Cecil Day-Lewis (1904-1972), les écrivains Stephen Spender (1909-1995) et Christopher Isherwood (1904-1986) –, George Orwell (1903-1950) et le romancier et essayiste d’origine hongroise Arthur Koestler (1905-1983) ont une place centrale dans ce livre. Voici l’essentiel de l’analyse que donne James Smith de la vision que les services de sécurité et de renseignement britanniques avaient d’Orwell :

À la fin des années 1940, avec l’émergence de la guerre froide, George Orwell et Arthur Koestler sont devenus deux des principales forces intellectuelles de la gauche antistalinienne britannique.

Ces deux figures sont liées à plusieurs égards, notamment par leur expérience de la guerre d’Espagne – ils ont vu « la répression communiste de l’opposition politique de gauche » –, leur projet de fonder une ligue de gauche non stalinienne « pour la liberté et la dignité de l’homme », et une amitié solide. Ils sont toutefois placés par James Smith aux deux extrêmes dans l’articulation entre leurs convictions de gauche et leurs relations avec l’État britannique. Et d’abord dans leurs passés respectifs : contrairement à Koestler, Orwell n’a jamais été cet « atout du Komintern, avec un passé de contacts au sein des structures clandestines du PC et à la direction du réseau de propagande Münzenberg [4] ». Voyons maintenant l’idée que les services de renseignement britanniques se faisaient d’Orwell :

L’une des attaques les plus féroces qui ont suivi la révélation qu’Orwell avait fourni une liste de noms à l’IRD a été le fait de l’historien Christopher Hill, ancien membre du Parti communiste de Grande-Bretagne, qui voyait là confirmés ses soupçons sur la duplicité politique d’Orwell. Hill a déclaré aux journalistes de l’Independent : “J’ai toujours su que c’était un faux-jeton. […] Il y avait quelque chose de louche chez Orwell. Cette affaire m’attriste et me peine, elle confirme mes pires soupçons à son sujet. Cela cadre parfaitement avec le ton général de ses articles et de ses œuvres de fiction, ton qui a toujours été très ambigu [5].”
Hill n’est toutefois pas le seul à avoir interprété la liste comme une preuve accablante de la trajectoire politique d’Orwell. Dans sa biographie, Scott Lucas y voit “le point culminant de la réponse d’Orwell à la gauche à partir des années 1930 [6]”. D’autres commentateurs ont été plus ambivalents, et quelques-uns lui ont manifesté un soutien total. Timothy Garton Ash, qui a été le premier à rendre compte de la liste de l’IRD, doit être rangé parmi les ambivalents, lorsqu’il note que “ce qui reste le plus troublant dans la liste qu’Orwell a effectivement fournie est qu’un écrivain dont le nom est devenu synonyme d’indépendance politique et d’honnêteté journalistique ait été amené à collaborer avec un département bureaucratique de propagande, aussi marginale que soit cette collaboration et‘blanche’ la propagande, et bonne la cause [7]”. Pour sa part, Christopher Hitchens s’est lancé dans une défense pure et simple : “On a trop fait de cet épisode relativement insignifiant la dernière chance pour les ennemis d’Orwell d’avoir eu raison de le vilipender ; [… et] on ne peut pas nier à titre posthume le mérite d’Orwell d’avoir maintenu la tradition libertaire et d’honnêteté” [8]. »

Avant de revenir sur la nature de la trahison que constitue la « liste noire » d’Orwell, James Smith analyse la surveillance dont l’écrivain a fait l’objet de la part des services secrets britanniques. En particulier dans une perspective comparative avec la trajectoire de Koestler, notamment pour en montrer les différences. Et pour envisager quels effets a eu, sur l’œuvre et les positions politiques de ces écrivains, l’évolution de leurs relations avec les services secrets britanniques.

Dans son analyse de la « surveillance précoce d’Orwell » au vu des archives déclassifiées, James Smith conclut qu’il a été « l’un des écrivains les moins surveillés de [son] étude : Orwell n’ayant jamais été membre du parti communiste et ayant toujours cherché à rester indépendant des diverses organisations orthodoxes de gauche, il a par conséquent évité les réseaux les plus surveillés par les services de renseignements [9] ». Cette surveillance fut toutefois réelle, et a commencé dès la période où Orwell enquêtait pour son récit Down and Out in Paris and London [10], lorsqu’il a (brièvement) fréquenté, dans les années 1920, des communistes français, notamment de La Vie ouvrière (précurseur du Daily Worker), dont il était correspondant. Mais la première véritable surveillance a lieu en 1936, lorsque Orwell se documente sur les conditions de vie de la classe ouvrière du nord de l’Angleterre en vue de ce qui deviendra The Road to Wigan Pier [11]. Du fait de la nature des informations qu’il collecte, sur les industries locales, les mines de charbon, les usines, etc., les inspecteurs britanniques le suspectent d’être un espion communiste. Ce qui provoque l’ouverture de dossiers illustrant surtout l’incompréhension totale, par la police, des mouvements de gauche. Notant la curieuse maigreur des documents relatifs à l’activité d’Orwell dans la guerre civile espagnole, James Smith conclut :

Dans l’ensemble, la surveillance gouvernementale de George Orwell pendant les années 1930 était parfois paranoïaque mais, du point de vue de la sécurité, sporadique et largement périphérique. Malgré leur méfiance évidente, les enquêteurs de la police et des services de renseignement n’ont jamais rien découvert de vraiment important. […] Et il est clair que les rumeurs selon lesquelles Orwell a été victime d’une persécution de la part du gouvernement sont exagérées. Et celui-ci n’a pas plus été considéré avec bienveillance que comme un allié anticommuniste potentiel. En fait, la piètre opinion d’Orwell sur la police – selon laquelle “le policier qui arrête le ‘rouge’ ne comprend rien aux théories que le ‘rouge’ prêche” – semble avoir bien résumé son propre cas [12].

Une nouvelle période d’observation d’Orwell par les services secrets est ouverte lorsqu’il est engagé à la BBC : « De 1941 à 1943, Orwell est chargé de produire des émissions ciblant la population et en particulier l’intelligentsia indiennes pour soutenir l’effort de guerre des Alliés et contrebalancer le ressentiment généralisé et les puissants mouvements nationalistes à l’égard de la domination britannique [13]. » [Signalons que 50 000 officiers indiens ont rejoint en 1942 l’Armée nationale indienne, conduite par un leader de la gauche du Congrès, Subhas Chandra Bose (1897-1945), qui a sollicité l’aide de l’occupant japonais pour obtenir l’indépendance de son pays.]

Tandis qu’Orwell se lançait dans une renégociation compliquée entre le patriotisme et le socialisme avec son célèbre essai Le Lion et la Licorne [14], son intégration dans la propagande gouvernementale et la subordination de ses propres opinions à l’effort de guerre l’engageait dans une négociation tout aussi complexe. Pour Orwell, sa contribution ne devait pas se limiter à lutter contre la propagande à l’étranger mais aussi à changer son propre pays. Comme il l’explique alors dans une lettre : “On ne peut pas rester en dehors de la guerre en travaillant dans une institution comme la BBC, mais on peut aussi essayer de la désodoriser. [… Et] il me semble que j’ai fait en sorte que notre propagande soit un peu moins dégoûtante qu’elle aurait pu être [15].”
Les dossiers de la BBC montrent qu’Orwell était très préoccupé par la préservation de son intégrité intellectuelle et qu’il craignait d’être effectivement acheté : “En tant que George Orwell, je suis en quelque sorte en train de vendre ma réputation littéraire, qui, en ce qui concerne l’Inde, provient sans doute surtout de mes livres anti-impérialistes.” Orwell a négocié cette situation en réclamant un statut de “‘commentateur indépendant’ plus ou moins ‘à la solde du gouvernement’ [sic]”, garant d’une “raisonnable liberté d’expression” qui lui permette d’éviter “la mention de sujets sur lesquels [il] ne pouvait pas vraiment approuver la politique actuelle du gouvernement” [16].

Les soupçons d’Orwell sont largement confirmés par James Smith : c’est bien « parce qu’il était “un écrivain distingué” ayant une expérience directe de l’Inde mais aussi “l’un des écrivains de l’aile gauche qu’il fut proposé pour ce travail”, sa réputation d’indépendance pouvant donner aux émissions une crédibilité que la BBC aurait eu du mal à obtenir autrement […] : les avantages du nom d’Orwell pour la propagande sont évidents [17].» Ne se faisant aucune illusion sur le fait qu’Orwell “avait de fortes opinions de gauche”, la direction de la BBC était rassurée par son affirmation qu’il “accepte tout à fait que la propagande soit dirigée par le gouvernement et souligne que, à son avis, en temps de guerre, la discipline dans l’exécution de la politique gouvernementale est essentielle [18]. Toutefois, la BBC s’était donné une assurance supplémentaire en faisant surveiller les scripts d’Orwell pour éviter que “certains sentiments” ne choquent ses auditeurs les plus “conservateurs” [19]. [Autrement dit …], la BBC a adopté une position prudente : se fondant sur l’ancrage d’Orwell à gauche mais en s’assurant par un système de surveillance que ces opinions ne soient pas réellement exprimées.

Du côté d’Orwell, il est douteux que, malgré ses intentions et ses exigences initiales, il ait effectivement réussi à s’en sortir aussi proprement qu’il l’avait espéré. Lorsqu’il a démissionné, Orwell a souligné qu’“en aucune occasion [il] n’avait été contraint de dire à l’antenne quelque chose qu’[il] n’aurait pas dit en tant que personne privée [20].” Mais dans son journal, il a souvent noté […] son dégoût pour les directives quotidiennes de propagande […] ; et dans des lettres, il s’est parfois emporté : “Pour l’amour du ciel, ne croyez pas que je ne vois pas comment ils m’utilisent !” ; confiant à un ami que ce travail le rendait cynique et lui donnait le sentiment d’être “une orange piétinée par une botte très sale” [21].

Si les choses se passaient donc plutôt bien du côté de la BBC, en revanche, du côté de la Special Branch, Orwell est resté quelqu’un de suspect. Ce dont ses dossiers ne laissent pas douter : « “Cet homme [Orwell] a fait valoir des points de vue communistes, et plusieurs de ses amis indiens disent qu’ils l’ont souvent vu dans des réunions communistes.” Ainsi était-il suggéré qu’Orwell faisait partie d’une conspiration visant à placer des individus politiquement suspects au sein de la BBC. […] Pour la Special Branch, Orwell était, sans équivoque, une menace subversive directe, non seulement parce qu’il défendait des opinions communistes et était actif dans le mouvement communiste, mais aussi parce qu’il cherchait à saper l’effort de guerre britannique en utilisant son influence à la BBC pour installer à des positions d’influence des militants politiques indiens. »

Un tel diagnostic aurait dû déboucher sur le licenciement d’Orwell par la BBC. Mais cette décision prévisible a été bloquée par un membre de la section du service qui s’occupe pour le MI5 des partis politiques et en particulier des activités des membres du parti communiste. C’est l’officier Ogilvie qui a invalidé le diagnostic de la Special Branch, qualifiant la formule « “opinions communistes affirmées [advanced communist views]” de fourre-tout utilisé pour décrire quelqu’un qui partageait beaucoup de ses opinions avec les communistes mais ne souscrivait en aucun cas pleinement à la politique du parti ». Pour Ogilvie, qui a clarifié la position politique d’Orwelll, « “ses récents écrits – comme Le Lion et la Licorne ou sa contribution au symposium de Victor Gollancz “La trahison de la gauche” [22]– prouvent qu’il ne marche pas avec le parti communiste ni eux avec lui” [23]. »

Toutefois, précise James Smith, le fait qu’Orwell ne soit « pas actuellement en phase avec le PC[…] ne veut pas dire que sa politique a soudainement reçu le soutien du MI5 ni qu’il a été épargné de toute surveillance ». Les services secrets britanniques (du moins ceux qui y comprenaient quelque chose) ont pris acte de l’existence « d’un groupe d’intellectuels de gauche non communiste et antagoniste du PC comme un risque qui pouvait être géré : “[Orwell] a été un peu anarchiste en son temps et en contact avec des éléments extrémistes. Mais il a récemment jeté son dévolu sur Victor Gollancz qui, comme vous le savez probablement, a rompu tout lien avec le parti communiste. Blair a sans aucun doute de fortes opinions de gauche, mais il est loin du communisme orthodoxe [24]”. »

Le dernier élément porté à ses dossierspar les services secrets britanniques du vivant d’Orwell est son article du 8 décembre 1944 dans Tribune où il « fustigeait les publications “conservatrices, communistes, catholiques, trotskistes, pacifistes, anarchistes” pour leur manque d’honnêteté intellectuelle ; article vu par Ogilvie comme une preuve de la persistance du non-alignement politique d’Orwell [25] ».

Dans son dernier chapitre, James Smith traite de l’implication des intellectuels de gauche non communistes sur le front culturel de la guerre froide, celle d’Orwell dans l’IRD et, à l’autre extrême, d’un Koestler moins scrupuleux dans la négociation de ses services aussi bien que dans l’instrumentalisation de sa position publique et de son œuvre.

Le 29 mars 1949, George Orwell a rencontré Celia Kirwan, la belle-sœur d’Arthur Koestler (dont Orwell avait fait la connaissance lors d’un séjour à la ferme de Koestler à Noël 1945). Alors employée par l’IRD, Kirwan était bien implantée dans les milieux culturels du Londres des années 1940, ayant notamment travaillé pour la revue Horizon de Cyril Connolly. Suivant une lettre qu’elle a écrite à l’IRD relativement à leur rencontre, Kirwan a parlé à Orwell de certains aspects du travail de l’IRD, lui en montrant des exemples et lui demandant s’il voulait bien y contribuer par ses propres écrits [26]. Orwell a exprimé son approbation enthousiaste et sans réserve des objectifs mais a refusé d’écrire pour l’IRD. Il a plutôt proposé les noms de plusieurs écrivains qui pourraient convenir et, partant de sa propre expérience du temps de guerre, il a donné de sconseils sur la manière dont le département pourrait mener sa propagande en Asie [27]. Après leur rencontre, il a également envoyé, tiré d’une liste plus longue qu’il avait déjà établie, les noms de trente-huit personnes qu’il tenait pour des crypto-communistes ou des compagnons de route auxquels l’IRD ne pouvait donc faire confiance. Après une brève circulation dans les bureaux de l’IRD, la lettre et la liste d’Orwell ont été insérées dans l’un des dossiers de l’IRD, quelques pages parmi d’autres rapports et des documents sur la “Stratégie communiste en Asie du Sud-Est”. Il semble que la liste d’Orwell soit restée largement oubliée pendant près de cinquante ans, jusqu’à ce que la déclassification des dossiers de l’IRD révèle au public son existence et suscite un vaste débat.
Il ne fait aucun doute que le choix d’Orwell de fournir ces informations à l’IRD est une erreur grossière, quelles que soient les excuses avancées pour la justifier : son jugement altéré par la maladie ou la sincérité de ses convictions quant à la nécessité de lutter contre le totalitarisme communisme.
Si on accepte la proposition de Bernard Crick selon laquelle “le plus remarquable chez Orwell n’était pas sa position politique, qui était assez commune, mais qu’il exige publiquement de son propre camp d’être à la hauteur de ses principes, tant dans la vie qu’en politique, qu’il respecte la liberté des autres et dise la vérité [28]", alors ses actions sont condamnables. Peu de choses s’éloignent autant de ces principes que fournir à des contacts gouvernementaux une liste d’accusations spéculatives ; et, étant donné les craintes d’Orwell concernant les fichiers secrets conservés par la police en temps de guerre, il était extrêmement hypocrite de sa part de les compléter. Il est vrai que l’IRD n’était pas une agence de sécurité et de renseignement, et il n’est pas certain que ces informations aient été transmises au MI5 ni qu’ellesaient nui à des carrières – un fait qui a souvent été mis en avant dans la défense d’Orwell. Toutefois, comme on l’a vu, Orwell avait bien assez d’expérience […] pour savoir que les noms ont tendance à passer d’une agence gouvernementale à une autre : on ne peut donc plaider la naïveté. […]
Cependant, quelle que soit la sensation que donne la simple existence de cette liste, […] il faut garder à l’esprit qu’elle ne correspond pas à ce que voulait l’IRD lorsque Orwell a été approché pour la première fois. […] En 1949, l’IRD s’était lancé dans une campagne de développement de ses activités, en particulier pour influencer certains secteurs de l’édition commerciale britannique en recrutant des auteurs et des maisons pour lui servir de relais. C’est ainsi que certains des noms les plus respectés de la gauche démocratique britannique [comme Bertrand Russell] ont fini par écrire des ouvrages tranquillement organisés et financés par l’IRD. […]
C’est dans ce contexte qu’Orwell a été approché. Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi l’IRD le voulait comme auteur : pour les mêmes raisons que la BBC avait, pendant la Seconde Guerre mondiale, cherché à faire figurer la réputation d’“Orwell” sur son tableau de chasse. Comme on l’a déjà signalé, Orwell a décliné cette proposition, comme Kirwan l’a précisé, il a dit qu’il ne pouvait s’engager à écrire lui-même un article pour le moment, ni même d’en réécrire un, parce qu’il est trop malade pour entreprendre un quelconque travail littéraire ; mais aussi parce qu’il n’aime pas écrire ‘sur commande’, car il a le sentiment ne pas faire son meilleur travail de cette façon [29].”
Kirwan a manifestement gardé espoir qu’Orwell puisse rejoindre l’écurie de l’IRD, lui laissant des documents afin qu’il s’en inspire lorsqu’il aura recouvré la santé. Au lieu de quoi, Orwell lui a offert des conseils sur la façon dont la propagande anticommuniste pouvait être menée à bien et suggéré les noms de personnalités qui pourraient à la fois écrire et publier pour l’IRD – d’où la suggestion que, ”sans aucun doute, Gollancz serait l’homme qui publierait les séries de livres que nous avons à l’esprit [30]”.
De plus, les informations qu’Orwell a fournies ne semblent pas toujours avoir été bien accueillies par l’IRD. Lorsqu’on lui demande son avis sur la manière dont la campagne de propagande anticommuniste de l’IRD peut être menée, il répond qu’il “ne pense pas qu’il y a beaucoup de place pour la propagande en Inde et au Pakistan, où le communisme signifie une tout autre chose qu’en Europe – c’est-à-dire, dans l’ensemble, une opposition à la classe dirigeante. Selon, lui, le mieux serait plutôt de maintenir les liens les plus étroits possibles avec ces pays par le biais du commerce et de l’échange d’étudiants. Il estimait que cet aspect des relations anglo-indiennes était très important et que nous devrions offrir beaucoup plus de bourses aux étudiants indiens et pakistanais [31]”. L’insistance d’Orwell sur la distinction entre les différentes versions du socialisme était bien ce qu’aucun membre de l’IRD ne voulait entendre à ce stade : en marge du dossier a été griffonné le commentaire suivant : “Nous devrions montrer où mène toute forme de communisme [32].”
Comme on le voit, la valeur d’Orwell pour l’IRD a donc été marginale. […] De plus, à la lumière des dossiers d’archives que nous pouvons maintenant consulter, cette liste spéculative de noms (qui ne fournit souvent que les motifs de suspicion les plus ténus) semble d’une naïveté touchante quand on la compare à l’éventail vaste et détaillé des dossiers personnels sur des communistes présumés que le MI5 avait déjà accumulés et auxquels le Foreign Office pouvait déjà faire appel pour tout contrôle préalable à un travail de propagande confidentiel.

Koestler a lui aussi été contacté par les « agences de la guerre froide » dès la période où elles se mettent en place et alors même qu’il a récemment quitté l’appareil du Komintern. Mais, contrairement à Orwell – qui voulait participer à l’effort de guerre mais en essayant de rendre “décente” la propagande de son camp –, il s’y « taillera une place de consultant indépendant », en mettant avec ferveur au service de l’anticommunisme les « compétences qu’il a apprises de Münzenberg », voire en les négociant auprès du MI5 et de toutes les offices secrètes de l’État britannique – « d’une manière qui suggère que l’attrait du travail secret était plus fort que la cause », précise James Smith.

Dans les faits, la principale collaboration d’Orwell avec l’IRD a été posthume, se manifestant par le soutien de la diffusion de son œuvre. Mais elle a commencé de son vivant, notamment par l’organisation, en 1949, de la traduction d’Animal Farm en arabe et de sa distribution au Moyen-Orient par l’intermédiaire des ambassades britanniques.

En 1950, l’IRD a organisé la publication d’une bande dessinée sur Animal Farm dans la presse en “Extrême-Orient, au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Inde, au Pakistan, à Ceylan, en Afrique, aux Antilles et en Islande” ; mais il a aussi réalisé sa traduction en “chinois, malais, vietnamien et français”. Puis en 1955, l’IRD a acheté les droits de traduction de 1984 en birman, chinois, danois, hollandais, français, allemand, finnois, hébreu, italien, japonais, indonésien, letton, norvégien, polonais, portugais, espagnol et suédois – une variété extraordinaire de destinations dans lesquelles on pensait que les écrits d’Orwell pouvaient remplir des objectifs politiques utiles [33].
Pourtant le cas le plus frappant est peut-être le film d’animation réalisé en 1954 par John Halas et Joy Batchelor à partir d’Animal Farm. Comme il a été établi ces dernière années, ce film est presque entièrement l’œuvre de la CIA [34]. De la discussion avec Sonia Blair, la veuve d’Orwell, à la signature des droits, du financement de la production au contrôle des modifications du scénario jusqu’à sa distribution, la toile tissée autour du film remonte à la CIA.
Dans ce film, la CIA n’a pas agi comme un mécène bienveillant et respectueux de l’œuvre mais au contraire en intervenant qui en modifie délibérément le contenu politique. L’exemple le plus édifiant est peut-être la scène finale [35]. Dans le roman d’Orwell, lorsque les animaux découvrent les cochons discutant et jouant aux cartes avec leurs ennemis supposés, les hommes, voici ce qu’ils observent : “Douze voix coléreuses criaient et elles étaient toutes les mêmes. Il n’y avait plus maintenant à se faire de questions sur les traits altérés des cochons. Dehors, les yeux des animaux allaient du cochon à l’homme et de l’homme au cochon, et de nouveau du cochon à l’homme ; mais déjà il était impossible de distinguer l’un de l’autre [36].”
L’argument d’Orwell est clair : les porcs staliniens et les humains capitalistes sont devenus indiscernables ; tous deux, malgré leurs divergences, ne cherchent qu’à perpétuer leur position aux dépens des animaux de la ferme. Dans le film, cependant, la fin est sensiblement modifiée. Non seulement le rôle des fermiers est minimisé (au point qu’ils en sont presque tous absents), mais une scène est ajoutée, où l’on voit les animaux se révolter contre les porcs : une allusion à peine voilée au renversement de la tyrannie soviétique.

Concluant son chapitre sur les inévitables avanies de la collaboration entre intellectuels (de gauche) et agences d’État, en particulier dans un contexte de guerre froide et pour des figures qui, comme Orwell, ont forgé leur réputation sur l’indépendance politique, James Smith signale toutefois :

Il serait simpliste de condamner ces écrivains simplement parce qu’ils ont accepté le soutien du gouvernement pour la diffusion de leur travail – si c’était le cas, alors toute œuvre publiée par une maison d’édition universitaire d’État mériterait également d’être condamnée. En outre, rien ne prouvant qu’Orwell ou Koestler ont écrit ou modifié leurs romans en suivant les consignes de l’IRD, il n’y a aucune raison de considérer que leurs œuvres sont compromises – et encore moins, comme l’a soutenu Christopher Hill pour Orwell, dès le départ [37].

(James Smith précisera dans la conclusion de son livre : « Il n’est pas vrai que ces organes secrets, qu’ils soient occidentaux ou soviétiques, ont simplement racheté des sections de la gauche intellectuelle pour en faire des vassaux passifs. »)

Toutefois, cette interaction soulève un série de questions qu’il est impossible d’ignorer : l’hypocrisie de ces champions de la liberté intellectuelle qui acceptent un soutien gouvernemental sans le reconnaître, le rôle qu’ils ont joué dans la propagation d’idéologiques acceptables, la promotion de réputations littéraires au travers de la distribution et l’adaptation de leurs écrits sous mandats occultes du gouvernement, et la contradiction entre une critique de la propagande soviétique et l’utilisation de méthodes similaires pour la contrer.
Bien qu’Orwell ait pu imaginer (comme il l’a fait pour ses émissions de la BBC) qu’en participant à la propagande de la guerre froide il pourrait combattre le stalinisme et maintenir “décent” le message de l’Occident, il était clairement naïf s’il s’attendait à ne pas être piétiné et sali à nouveau. Après tout, les officines de propagande ne sont pas réputées pour être des bastions d’intégrité intellectuelle, et en donnant une “approbation enthousiaste” à leurs objectifs comme en étant “très coopératifs” dans la cession des droits d’exploitation de son œuvre, la porte était ouverte : rien de surprenant donc à ce que le message politique de son œuvre ait été bricolé. […]
Beaucoup ont vu la liste d’Orwell comme une trahison grossière, mais en fin de compte, l’une des trahisons les plus flagrantes a été la manière dont Orwell a été trahi. Dans une déclaration souvent citée, Orwell affirme avec insistance : “Chaque ligne de travail sérieux que j’ai écrite depuis 1936 a été écrite, directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique tel que je le comprends. [38]” C’est cette position qui a inquiété et induit en erreur les officiers de la Special Branch lorsqu’ils ont essayé de le faire renvoyer de la BBC pour ses “opinions communistes affirmées”. C’est cette position qui a conduit les officiers du MI5 à reconnaître qu’Orwell “ne marche pas avec le PC ni eux avec lui”, et c’est cette réputation d’“opposition au gouvernement” reconnue par la BBC qui a donné au nom d’Orwell une crédibilité particulière pour ses émissions de propagande. Mais, pour les générations qui ont découvert, pour la première fois, l’œuvre d’Orwell par le biais d’adaptations parrainées par le gouvernement, c’est précisément cette position qui a été discrètement retirée et ses intentions politiques initiales subtilement effacées, enrôlant à titre posthume Orwell en “nouvel homme de droite” au moment où se dessinaient les lignes de front de la guerre froide culturelle [39].

James Smith

Extrait de British Writers and MI5 Surveillance, Cambridge University Press, 2013, p. vii-viii, xiv,140, 110-124, 141-151 et 157 – traduit de l’anglais par Thierry Discepolo

Septième et dernière annexe à l’article « Qui veut tuer son maître l’accuse de la rage »

Notes
  • 1.

    Écrivain, critique littéraire et directeur de la revue Horizon de 1939 à 1949, Cyril Connolly (1903-1974) avait été le condisciple d’Orwell à St Cyprian et à Eton. Ils renouèrent à partir de 1935 et restèrent intimement liés jusqu’à la mort d’Orwell. [ndlr]

  • 2.

    . The Collected Essays. Journalism and Letters of George Orwell, Penguin, Londres, 1970, vol. 2, p. 400.

  • 3.

    . Ibid., vol. 4, p. 58.

  • 4.

    « Willi Münzenberg (1889-1940) participe à la création du Parti communiste allemand (KPD) et devient, à partir de 1921, une figure incontournable pour les activités de propagande du Komintern. Ses initiatives s’insèrent dans les échanges internationaux entre intellectuels de 1919 à 1939, où les intellectuels allemands de la république de Weimar tiennent un rôle central. » C’est ainsi qu’un proche collaborateur de Willi Münzenberg, l’écrivain Arthur Koestler, décrit en 1933 son rôle au sein de l’empire médiatique et associatif qu’il avait créé : « Dans la hiérarchie du Komintern, Willi occupait une position incomparable, pour deux raisons. D’abord, il n’était pas un homme politique, mais un propagandiste, il n’était pas “théoricien”, mais “activiste”. […] Puis il présidait une organisation mondiale et puissante, le “Secours ouvrier international” (SOI), connu, dans le langage du parti, comme le “consortium Münzenberg”. […] Sans être dérangés par le contrôle bureaucratique du parti, les publications, films ou productions théâtrales du consortium appliquaient des méthodes innovantes de propagande. » (Cité par Annette Nogarède-Grohmann, « Les réseaux d’intellectuels de l’entre-deux-guerres : l’exemple de Willi Münzenberg (1889-1940) », Enquêtes. Histoire moderne et contemporaine, n° 3, octobre 2018.) [ndt]

  • 5.

    Ros Wynne-Jones, « Orwell’s little list leaves the left gasping for more », The Independent on Sunday, 14 juillet 1996.

  • 6.

    Scott Lucas, Orwell, Haus, Londres, 2003, p. 110.

  • 7.

    Timothy Garton Ash, « Orwell’s List », The New York Review of Books, 25 septembre 2003, vol. 50, n° 14 [dont nous donnons ici de larges extraits de la traduction].

  • 8.

    Christopher Hitchens, Why Orwell Matters, Basic Books, New York, 2002, p. 165, 169.

  • 9.

    Pour Orwell, l’auteur a examiné « les documents (MEPO 38/69) de la Special Branch et KV 2/2699 du MI5, respectivement ouverts en 2005 et 2007 et encore classés au moment des révélations de l’IRD » sur sa « liste noire ».

  • 10.

    George Orwell, Dans la dèche à Paris et à Londres [1933], Champ libre-Ivrea, [1982] 1993. [ndlr]

  • 11.

    George Orwell, Le Quai de Wigan [1937], Champ libre-Ivrea, [1982] 1995. [ndlr]

  • 12.

    George Orwell, Collected Essays, op. cit., vol. II, p. 92.

  • 13.

    George Orwell, Chronique du temps de la guerre (1941-1943), Éditions Gérard Lebovici, 1988.

  • 14.

    George Orwell, « Le Lion et la Licorne. Socialisme et génie anglais » [février 1941], Essais, articles et lettres [1968], Ivrea-Encyclopédie des nuisances, vol. II, 1996, p. 73-140.

  • 15.

    George Orwell, Collected Essays, op. cit., vol. II, p. 307.

  • 16.

    Memorandum from Eric Blair to Eastern Service Director, 15 octobre 1942, BBC Archive.

  • 17.

    Memorandum from R. A. Rendall, 23 octobre 1942, BBC Archive.

  • 18.

    R. A. Rendall, BBC Internal Circulating Memo, 25 juin 1941, BBC Archive.

  • 19.

    BBC Staff report on E. A. Blair, 10 août 1943, BBC Archive.

  • 20.

    Eric Blair, lettre à William L. F. Rushbrook, 24 septembre 1943, BBC Archive.

  • 21.

    George Orwell, Collected Essays, op. cit., vol. II, p. 307, 349.

  • 22.

    Ancien étudiant d’Oxford, Gollancz, Victor (1893-1967) crée en 1927 sa propre maison d’édition (Victor Gollancz Ltd). Né dans une famille juive orthodoxe et membre du parti travailliste, il se définit comme un socialiste chrétien. Sa principale réussite est le Left Book Club. Très proche des communistes à la fin des années 1930, il rompt avec eux après le pacte germano-soviétique et publie contre eux, en 1941, un ouvrage collectif intitulé La Trahison de la gauche, auquel Orwell contribue pour deux chapitres : « Patriotes et révolutionnaires » et « Fascisme et démocratie » (trad. fr. Écrits politiques, Agone, 2009, p. 119 et 163). Les relations entre Gollancz et Orwell sont toujours restées tendues : d’un côté, Gollancz publia presque tous les livres d’Orwell avant 1940 ; de l’autre, il ajouta au Quai de Wigan une préface qui désavouait son auteur, et il refusa Hommage à la Catalogne (en 1937), puis La Ferme des animaux (en 1944) – chaque fois pour ne pas se brouiller avec les communistes. Orwell n’avait aucune confiance en son jugement : il déclara à son propos qu’il était effrayant que des gens aussi ignorants aient autant d’influence. [ndlr]

  • 23.

    Note manuscrite sur la réponse d’Orwell au questionnaire de Left, 31 janvier 1942, KV 2/2699 serial 6a.

  • 24.

    Ogilvie pour l’IPI, 4 février 1942, KV 2/2699 serial 8a.

  • 25.

    George Orwell, « À ma guise », Tribune, 8 décembre 1944.

  • 26.

    Références croisées dans le rapport du chef de la police du Lancashire, 26 janvier 1938, KV 2/1273 serial 14a.

  • 27.

    Lire Arthur Koestler, The Invisible Writting. Autobiography 1931-1953, Collins, Londres, 1954, p. 384.

  • 28.

    Bernard Crick,George Orwell, a Life, op. cit., p. 17-18 (trad. fr. légèrement différente, op. cit., p. 17-18).

  • 29.

    Rapport de Celia Kirwan, 3 mars 1949, FO 1110/189.

  • 30.

    Ibid.

  • 31.

    . Ibid.

  • 32.

    Note manuscrite en marge de ibid. D’autres commentaires montrent également un accord avec les déclarations d’Orwell avec par exemple les techniques de propagande en Birmanie.

  • 33.

    Richard J. Aldrich, The Hidden Hand. Britain, America and Cold War Secret Intelligence, John Murray, Londres, 2001, p. 133.

  • 34.

    Pour plus de précisions, lire par ex. Tony Shaw, British Cinema and the Cold War. The State, Propaganda and Consensus, Tauris, Londres, 2001, spéc. chap. IV ; et Daniel J. Leab, Orwell Subverted. The CIA and the Filming of Animal Farm, Pensylvania State Universtiy Press, 2007. Saunders discute aussi de cet aspect dans Who Paid the Piper ?…, op. cit., p. 293-301.

  • 35.

    Lire par ex. Saunders, Who Paid the Piper?…, op. cit., p. 295 ; Leab, Orwell Subverted…, op. cit., spéc. chap. VII ; et Tony Shaw, British Cinema… (op. cit., p. 100), qui le décrit comme « une inversion globale de la fin donnée par Orwell ».

  • 36.

    George Orwell, La Ferme des animaux, Ivréa, 1995, p. 113.

  • 37.

    Quelle que soit l’implication d’Orwell dans la propagande gouvernementale, il envoyait des réponses furieuses aux agences lui demandant d’apporter des changements à son travail. Lire, par exemple, la lettre tranchante d’Orwell à T. S. Eliot en 1944, au sujet de « Cape or the MOI », qui avait fait la « suggestion imbécile qu’un autre animal que le porc puisse être utilisé pour représenter les bolcheviques » (qui étaient alors des alliés de guerre) dans La Ferme des animaux ; Orwell concluant : « Je ne peux bien sûr pas changer cette description. » (Collected Essays, op. cit., vol. III, p. 207.)

  • 38.

    George Orwell, « Pourquoi j’écris », Essais, articles et lettres[1968], Ivrea-Encyclopédie des nuisances, vol. I, 1995, p. 19-27.

  • 39.

    « Nouvel homme de droite » est une formule de Tony Shaw, « Some Writers are More Equal Than Others », British Cinema…, op. cit., p. 162.