Deux monologues, deux personnages : une femme et un homme. Mais un seul pays et une seule époque : l’Autriche de 1930 à nos jours. Si Hanna, l’héroïne du premier monologue, ancienne fille de ferme, avoue ne pas pouvoir oublier ce qui s’est passé, la léthargie de toute une population face à la barbarie nazie ; si elle avoue être choquée par l’amnésie d’un peuple qui préfere maintenant regarder autour de lui plutôt que derrière lui, l’homme du second monologue, Karl, a l’art de s’adapter à toutes les situations.
« Parler d’opportunisme dons un tel monde n’a aucun sens » écrit Lothar Baier dans une préface qui va faire grincer bien des dents. Car ce bon monsieur Karl qui se vante d’avoir toujours eu l’esprit critique, ne tire aucun réel bénéfice de sa veulerie de grande gueule, sauf celui de conserver sa bonne conscience contre vents et marées :
« Regardez comme c’est beau au fond l’Autriche. Et on la connait si mal… » L’Allemagne a été forcée par les alliés à faire acte de repentance et de vigilance ; rien de tel en Autriche où ce rôle a été laissé au courage des seuls artistes qui ont été vilipendés pour cela par une bonne partie de leurs concitoyens. Une raison de plus pour réfléchir aux conséquences d’un boycottage culturel que l’on voudrait infliger à un pays peut-être schizophrène mais sûrement pas d’un seul bloc.
P.D.
Le Monde,
01/09/2000