« C'était comme si Martin avait eu dans les yeux de la poussière de foin. Il ne pouvait rien voir si les autres ne lui montraient pas qu'eux aussi voyaient. Une seule parole que Wilhelm lui aurait adressée en propre eut suffi, mais cette conversation particulière, ce tutoiement portant sur de petites choses, par exemple "comment vas-tu aujourd'hui ?" ou "qu'est-ce que tu dis, toi, de l'anémone, pourquoi pas des raves de l'espèce bortfelder ?" - ces petites choses ne furent pas prononcées. Ce n'était pas dans le caractère de Wilhelm. Il était honnête et correct, il ne tenait pas compte des petites choses ni des excessivement grandes, il tenait compte d'ares et de journées, d'ordre et de nécessité pratique. Il n'y aurait rien eu de surprenant d'apprendre qu'il avait exactement cinq mille mètres carrés d'honnêteté et trois ares et demi de foi. Il avait un mètre avec lequel mesurer son père, une mesure d'un pied avec laquelle mesurer ses sœurs, un centimètre pour les valets, un pouce pour les servantes et, avec un millimètre, il mesurait les pupilles de la commune. »

Premier volet d’une autobiographie, ce récit d’une enfance marquée par la pauvreté et la solitude témoigne de la conquête d’une dignité d’homme fidèle à son passé.
Ce récit se prolonge avec Il faut partir.

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