« L’Optimiste : Mais quand un jour ce sera la paix…    
Le Râleur : … alors la guerre commencera !    
L’Optimiste : Toute guerre s’est cependant conclue par une paix.    
Le Râleur : Pas celle-ci. Elle ne s’est pas déroulée à la surface de la vie mais a dévasté la vie elle-même. Le front a gagné l’arrière. Il y restera. Et l’ancienne mentalité viendra se greffer sur cette vie modifiée, s’il en existe encore une. Le monde sombrera, et l’on n’en saura rien. Tout ce qui existait hier, on l’aura oublié ; ce qui est aujourd’hui, on ne le verra pas ; ce qui sera demain, on ne le craindra pas. On aura oublié qu’on a perdu la guerre, oublié qu’on l’a commencée, oublié qu’on l’a faite. C’est pourquoi elle ne cessera pas.
»

« Ce drame, dont la représentation, mesurée en temps terrestre, s’étendrait sur une dizaine de soirées, est conçu pour un théâtre martien. » Ainsi commencent Les Derniers Jours de l’humanité. Nous avons retenu ici l’essentiel des interventions de deux personnages, le Râleur (Kraus lui-même) et l’Optimiste (un loyal patriote autrichien), dont l’opposition rappelle et ferme une action « éclatée en centaines de tableaux ouvrant sur des centaines d’enfers », une action dont l’auteur a arraché le contenu aux cinq années qu’a duré la Première Guerre mondiale : « Années durant lesquelles des personnages d’opérette ont joué la tragédie de l’humanité ».