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Avant la fiction de Netflix, l’autobiographie de Varian Fry qui a inspiré (de loin) la mini-série « Transatlantic »

Le 7 avril dernier, la plateforme de vidéo à la demande Netflix a lancé sa mini-série Transatlantic, consacrée aux activités de Varian Fry, Américain envoyé à Marseille au début de la Seconde Guerre mondiale pour y sauver des réfugiés venus de toute l’Europe. Un personnage méconnu, dont la maison d’édition de gauche Agone défend la mémoire depuis longtemps.

Les locaux historiques de la maison d’édition contestataire, dans un vieil immeuble marseillais rue des Héros, sont en plein déménagement. En attendant leur nouvelle jaquette, les petits livres blanc et noir constitutifs de l’esthétique de la collection de poche « Éléments », s’empilent dans les coins et les bureaux se vident. Un grand ménage de printemps, loin, bien loin des paillettes du lancement hollywoodien d’une série, vendredi 7 avril, consacrée à l’histoire de Varian Fry, sur la plateforme Netflix. Pourtant, au cours des quinze dernières années, une bonne partie de la mémoire de ce journaliste américain était entretenue depuis ce coin anonyme du quartier de la gare Saint-Charles.

Depuis 2008, les éditions Agone sont en effet le seul éditeur français des Mémoires de Fry, intitulées Livrer sur demande. Un livre méconnu, et pourtant un témoignage essentiel et incroyablement vivant sur le début de la Seconde Guerre mondiale à Marseille. En 1940, le reporter y est envoyé pour monter l’Emergency Rescue Committee (ou Centre américain de secours).

Sa feuille de route : « mettre à l’abri » quelques centaines d’intellectuels, artistes, écrivains, et certains militants de gauche, notamment allemands, en leur permettant de quitter la France grâce à des visas facilités par le département d’État américain. Mais, très rapidement, Varian Fry va saisir toute l’ampleur de la tâche : non seulement ses moyens sont très contraints, mais surtout la liste de personnes à évacuer ne cesse de s’étendre. Parmi les noms célèbres souvent rattachés à sa mission, ceux de Hannah Arendt, Marc Chagall, Stéphane Hessell, Peggy Guggenhelm, etc. qui ont pu bénéficier de ses services.

C’est cette histoire – courte, car Fry quittera la France quelques mois plus tard – que racontent ces Mémoires. Si Agone, maison aux affinités très à gauche non dissimulées, a voulu faire vivre cette légende, c’est parce qu’elle voit dans ce parcours plus qu’un beau récit héroïque. Une lecture partisane, sujette à débat, mais foisonnante et documentée. Thierry Discepolo, directeur éditorial et fondateur, évoque avec Marsactu quinze ans de compagnonnage avec Varian Fry.

On peut avoir l’impression que Varian Fry a longtemps été oublié. Avant la consécration soudaine de cette série Netflix, qui se préoccupait de sa mémoire ces dernières années à Marseille ?

— Varian Fry n’a pas été tout à fait oublié. À Marseille, il a comme une double tutelle. L’une est l’association Varian Fry, longtemps associée à l’ancien hôtel où le jeune Américain a d’abord installé le Centre américain de secours, en face des escaliers de la gare Saint-Charles. Ce collectif a fait vivre la mémoire de l’action de Varian Fry – notamment au travers de colloques, d’interventions dans les écoles, etc. ; et peut-être au travers d’un peu de lobbying culturel – on pense au consulat américain à Marseille, qui a fait baptiser du nom de « Varian Fry » la place où il est logé, en face de la Préfecture.

L’autre tutelle, ce sont les éditeurs de l’autobiographie de Fry. Une belle anomalie (qui ressemble bien à cette ville), c’est l’absence de toute relation entre ces deux tutelles. Ce qui n’a sans doute pas été favorable à la visibilité de l’action de Varian Fry… Ensuite, il y a évidemment le fait que Marseille n’est pas une ville connue (c’est un euphémisme) pour la valorisation de sa culture, de son patrimoine, de son histoire, ni de rien du tout, d’ailleurs – sinon quelques poncifs roses (de Pagnol à Plus belle la vie) ou noir (de la maffia à ses quartiers laissés pour compte).

Pourquoi, justement, les éditions Agone ont-elles pris en main ce pan de l’histoire avec les publication de ses mémoires en 2008 ?

— Nous sommes partis d’assez loin. Notre édition de Surrender on Demand (1945, 1997) n’est pas la première. Ce sont les éditions Plon qui ont traduit le livre, en 1999, sous le titre La Liste noire. Il se serait plutôt bien vendu. Avec une couverture qui produit un contresens complet. Nous sommes alors peu après la sortie de La Liste de Schindler… En outre, la photo de Fry en conspirateur costumé donne l’impression que c’est un livre sur le maccarthysme.

Ce qui sauve cette première édition, c’est l’investissement d’Édith Ochs, la traductrice, qui va tout de suite en protéger l’authenticité[1]. La première chose qui l’a intéressée chez Fry, ce qu’elle c’est qu’un intellectuel, latiniste et connaissant l’allemand, se transforme en homme d’action, qu’il débarque sans trop savoir ce qui l’attend, et comprend peu à peu ce qui se joue, c’est-à-dire le fascisme[2]. Elle complète la première édition avec des articles de Fry, inédits en français et absents de l’édition originale[3].

La première édition française étant épuisée, abandonnée par Plon qui ne la jugeait plus rentable, le livre nous est proposé par les agents littéraire de l’éditeur américain. On le retient sans hésiter sur les conseils de Charles Jacquier, fondateur et alors directeur de la collection « Mémoires sociales ». Ce qui l’intéresse chez Fry, c’est la résistance avant la Résistance.

On travaille évidemment tout de suite avec Édith Ochs. Et d’abord en montant un dossier « Fry avant Fry », avec notamment des articles de 1935 – quand Fry voyage en Allemagne et y découvre les pogroms. De notre côté, on replace les Mémoires de Fry dans le cadre des luttes sociales et notamment de la résistance de gauche et d’extrême gauche.

On voit bien ici l’ampleur de la divergence avec la vision plus officielle de Fry : la Villa Air-Bel et les surréalistes, le bon petit gars envoyé par Eleanor Roosevelt (la Première Dame américaine), etc.

Mais cette rupture, on la retrouve dans la mission même de Fry. Ce que met au jour Charles Jacquier dans une longue préface : en fait, deux groupes font venir Fry à Marseille. D’abord des syndicats de la confection liés aux militants du Bund, l’Union générale des travailleurs juifs (originaire d’Europe centrale), qui ont immigré aux États-Unis pour fuir le nazisme. Ils ont repéré en Fry un des rares journalistes qui a compris ce qui se passait dans l’Allemagne des années 1930, une réalité ignorée du grand public – pour ne pas parler des élites bienveillantes à l’égard du régime nazi. Mais ceux qui ont vraiment les moyens de monter cette mission, c’est le département d’État américain et le couple présidentiel. Toutefois, les Roosevelt envoient Fry en France pour sauver les André Breton, André Masson, Claude Lévi-Strauss, Marcel Duchamp entre autres[4].

Fry a donc deux commanditaires et deux missions pas tout à fait convergentes quand il débarque dans le sud de la France occupée par les nazis. Ce qui nous ramène d’ailleurs à la situation actuelle. La réception de Fry entre, d’un côté l’histoire officielle, celle de la diplomatie américaine et sa mission patronnesse chic ; et de l’autre son inscription dans les luttes sociales et la Résistance avant la Résistance.

Quel épisode de la Seconde Guerre mondiale est, selon vous, mis au jour par ce livre ?

— Cet épisode, qui se déroule presque entièrement à Marseille, est bref. Quelques mois (août 1940-septembre 1041). Mais il éclaire un moment édifiant de la politique étrangère américaine. Quand Fry débarque, alors que le conflit occupe presque toute l’Europe occidentale, les États-Unis sont un pays neutre. Les alliés du Centre américain de secours pris dans le conflit ne sont donc pas nécessairement les représentants de l’État qui l’a mandaté. Mais plutôt les réseaux que l’équipe de Fry va monter avec les immigrés qui sont ses « clients », souvent très politisés : Italiens issus de l’anti-fascisme, Espagnols de l’anti-franquisme, Allemands, Autrichiens et autres militant politiques ou syndicaux chassés par le nazisme, juifs du Bund, intellectuels proches d’un parti social-démocrate européen, etc. Le voilà, son réseau. Et très vite sur place, des militants trotskistes — plutôt que communistes, ceux-ci étant alors soumis au pacte germano-soviétique (aout 1939-juin 1941). Ce que raconte notre édition, c’est autant l’action de Fry et de ceux et celles dont il s’entoure qu’un morceau d’histoire politique qui déroge complètement aux lieux communs et à la légende dorée de l’Oncle Sam au secours de l’Europe sous la botte nazie.

Donc, précisément, qu’est-ce qui fait, pour vous, que Varian Fry est un héros de la gauche ?

À priori, je dirais : « héros » ne va pas ; et « gauche » non plus. Pourtant, Fry est bien une figure héroïque et son action le rattache à l’histoire des gauches. On imagine assez facilement que si on lui avait demandé « Êtes-vous êtes un héros de la gauche ? », il nous aurait regardés avec de grands yeux. Car de son vivant, rien de tel ne soutient cette idée. Mais à titre posthume, un peu plus… Être nommé chevalier de la Légion d’honneur (en 1967) pour l’État français n’en fait pas un héros. Avec la nomination de « Juste parmi les Nations » (en 1995), on s’en approche[5]. Et il en est certainement un, de héros, pour celles et ceux qui œuvrent à maintenir vivante sa mémoire — comme sans doute pour tout lecteur de son autobiographie.

Une autre chose ne fait pas de doute : Fry est une authentique figure de l’anti-nazisme et de l’anti-fascisme. Et cette prise de position n’est pas théorique. Toutes celles et ceux qui ont été de l’action du Centre américain de secours étaient de ce bord-là, dans le goulot d’étranglement qu’est Marseille à ce moment-là. Et le plus proche collaborateur de Fry (qui prendra la direction de l’Emergency Rescue Committee après sont départ), Danny Bénédite, était un trotskiste, qui s’engagera par la suite dans un maquis varois.

Même si, à notre connaissance, Fry n’affichait aucune appartenance politique marquée, comme on l’a dit, son environnement à Marseille était composé de toutes les gauches syndicales, politiques et militantes européennes. Pour cela, il a été désavoué par les relais consulaires du département d’État américain : ils étaient bien d’accord pour exfiltrer aux États-Unis artistes, intellectuels, écrivains et savants, mais pas le tout-venant juif et encore moins des syndicalistes et militants de gauche et d’extrême gauche. C’est d’ailleurs ce qui a causé le rapatriement d’un Fry qui persévérait à sauver les indésirables de l’ordre nazi, même lorsqu’ils n’étaient pas tous désirés par l’ordre américain.

Un fait est particulièrement intéressant : qui est le principal allié du Centre européen de secours alors que Fry doit quitter le pays ? Un commissaire de la police de Vichy, qui va l’aider alors qu’il est lâché par le consulat américain.

Pour Agone, quelle importance a ce livre ? Combien d’ouvrages ont été vendus ?

— Les ventes sont modestes. Je ne suis pas sûr que nous ayons dépassé 6.000 exemplaires en comptant les deux éditions (2008 et 2017). Pour des raisons de diffusion, et de l’absence de relais médiatiques notamment. Mais pas seulement. Il est bien plus facile de marchandiser le sauvetage d’une poignée de grands noms et le jeux de cartes des surréalistes que tout ce dont nous avons parlé jusqu’ici. Qui est en revanche au cœur de notre ligne éditoriale : fournir des analyses à contre-pied de l’histoire produite par l’idéologie dominante. Le cas Fry est exemplaire, pour ça aussi.

C’est un journaliste, petit-bourgeois américain (sans doute) démocrate, citoyen ordinaire qui, porté par les valeurs de la démocratie, de l’égalité et de la liberté, prend conscience du danger nazi et se donne les moyens d’agir[6]. Qu’en fait-on quand on est éditeurs ? L’enjeu général est moins de corriger les erreurs de l’histoire officielle (toutefois un travail non négligeable) que d’enrichir le tableau, où les grands hommes prennent toute la place : leur substituer les anonymes, les masses, les ordinaires qui ont fait des choses extraordinaires. Tels que Fry.

Comment expliquez-vous le fait que vous soyez restés, pendant 15 ans, les seuls détenteurs, ou presque, de ces mémoires jusqu’à Netflix ?

— C’est une question difficile. Il y existe bien quelques récits, plus ou moins inspirés des mémoires de Fry ou d’auteurs qui l’ont croisé[7]. Mais rien qui ait permis de populariser son action. En outre, un ou deux films, reportages et documentaires ont été réalisés. Mais ils sont restés invisibles[8]. Voilà quelques années, les agents littéraires ont évoqué un film américain… une grosse production où Fry devait être joué par… Tom Cruise ! Ce qui est un peu inquiétant. Mais la série de Netflix semble plus effrayante encore. Si elle impose sa vision de l’action du Centre américain de secours – qui semble relever de la fable mièvre[9]–, après avoir travailler contre le silence, on risque de devoir le faire contre le bruit : « Non, Fry n’est pas un boy-scout au service de la mission universelle des États-Unis, défenseurs des droits humains et gardien de l’ordre démocratique face aux dictatures. »

Pour vous, quelle image le récit de Fry offre-t-il de la ville ?

— Très sympathique. On voit bien que Fry a réussi, par ses contacts, à se fondre dans une population dont il bénéficie des alliances. Il se glisse comme un invité dans la cité populaire, ville de carambouille, où le « milieu » tient son rang… Certes, ce n’était pas toujours facile, et il est aussi tombé sur des escrocs – dont le Centre américain de secours a pu avoir besoin des talents. Mais dans l’ensemble, il a été gagnant. Voilà qui donne une image inhabituelle de la ville, des valeurs populaires que sont l’entraide, la fidélité, le sens de la justice…

Interview de Thierry Discepolo par Lisa Castelly, le 6 avril 2023, dont une première version est parue sous le titre « Avant Netflix, les mémoires de Varian Fry, trésor oublié des éditions Agone » dans MarsActu le 15 avril 2023.

Notes
  • 1.
  • 2.

    Quand elle revient sur ce premier intérêt, Édith Ochs précise qu’elle a été touchée par le fait qu’ils « appréciaient les même peintres, et notamment les mêmes écrivains allemands. Fry traitait Juifs et non Juifs de la même manière – d’ailleurs, le mot n’apparaît presque pas dans son texte. Et quand il découvre les arrestations, les déportations, les camps, et le tri, il n’accepte pas : il dit non, tout simplement. Et je trouve ça exemplaire ». [ndlr]

  • 3.

    Entre autres raisons qui ont motivé son investissement dans cette traduction, Édith explique qu’elle a « été très sensible au côté pédagogique de ces mémoire, au personnage d’un récit direct et sans prétentions : il vivait une situation dramatique, dont il été conscient, mais son récit restait empreint d'humour ». [ndlr]

  • 4.

    Si l’on ne peut citer la liste complète des personnalités fameuses sauvées par le Centre américain de secours (sans parler des deux mille et quelques inconnus), mentionnons au moins Jean Arp, Hans Aufricht, Georg Bernhard, Victor Brauner, Camille Bryen, De Castro, Frédéric Delanglade, Oscar Dominguez, Heinrich Ehrmann, Edvard Fendler, Leonhard Frank, Giuseppe Garetto, Oscar Goldberg, Emil Gumbel, Hans Habe, Konrad Heiden, Jacques Hérold, Wilhelm Herzog, Berthold Jacob, Jean Malaquais, Heinrich Mann, Valeriu Marcu, Walter Mehring, Alfredo Mendizabal, Otto Meyerhof, Max Ophüls, Hertha Pauli, Benjamin Péret, Alfred Polgar, Peter Pringsheim, Denise Restout, Hans Sahl, Anna Seghers, Victor Serge ou encore des figures moins connues comme le photographe Philippe Halsman ou Alma et Franz Werfel dont le traductrice Édith Ochs perpétue la mémoire ; sans oublier Jacques Schiffrin, le fondateur de La Pléiade, et sa famille. (Signalons que d’autres grands noms ont bénéficié d’autres chemines pour s‘échapper, comme Matta, via Bordeaux — lire Gilles Bounoure, « Matta, le surréalisme et “l’Histoire” », ContreTemps, avril 2013, n° 17.) [ndlr]

  • 5.

    Notons que ces reconnaissances sont posthumes. Ce qui a dû peser sur Fry, dès son retour aux États-Unis, qui fut pour lui terrible. Le retour à la banalité de son quotidien l’a mis à rude épreuve tandis qu’il était torturé par l’impossibilité de se faire entendre sur ce qui se passait en Europe dans une Amérique indifférente et qui verrouillait ses portes. Fry semble avoir passé beaucoup de temps à harceler tout le monde autour de lui. De ces quelques mois, qui l’avaient profondément changé, il semble ne s’être jamais remis. Fry meurt seul chez lui, à l’âge de 60 ans, depuis longtemps affecté de troubles maniaco-dépressif. [ndlr]

  • 6.

    Un point de vue qu’on retrouve chez la traductrice Édith Ochs : « Ce n’est pas le héros qui me touche, ni le militant politique (ce dont je doute qu’il ait été), mais l’intellectuel un peu ahuri et sincère, qui, face au mal, cherche comment il peut agir sur le monde, réussir à surmonter ou contourner l’obstacle. Un homme banal ? Peut-être, mais les gens banals, pour la plupart, ferment les yeux. Pas lui. » [ndlr]

  • 7.

    Plusieurs livres sont parus, plus ou moins sérieux et parfois fondés sur des révélations empoisonnées : A Quiet American. The secret war of Varian Fry, d’Andy Marino ; un autre titre de Rosemary Sullivan, qui fut retiré de la vente ; le dernier dans cette veine, de Sheila Isenberg, vient de paraître en français pour accompagner la série Netflix : Varian Fry, l’homme qui sauva la vie de Marc Chagall, Marx Ernst, André Breton et deux mille autres personnes. Sur des figures qui ont croisé Fry, citons les mémoires de Lisa Fittko, Le Chemin Walter Benjamin (Seuil, 2000) ; Mary Jayne Gold, Marseille années 40, (Phébus, 2001 ).[ndlr]

  • 8.

    Par exemple le documentaire d’Hélène Chevereau et Clément Désiret, intitulé La Liste de Varian Fry, diffusé le 25 octobre 2018 sur France 3 à 23h40 — ce qui n’est pas plus mal : c’est bien l’autobiographie de Fry qui est citée, mais sans la mentionner, et l’ensemble est bourré d’inexactitudes. La même année, citons celui d’Alain Paire, une production modeste mais un propos précis et documenté, André Breton Villa Air Bel (Les Films du soleil). [ndlr]

  • 9.

    Cet entretien a été donné le jour de la sortie de la série, dont ni la journaliste ni l’éditeur n’avait vu le moindre épisode, mais seulement lu les premiers articles parus. Si la presse mainstream (du Monde au Figaro en passant par Télérama, la presse magazine et la PQR) a donné dans le service après-vente de Netflix, au mépris de toute documentation et sans le moindre recul critique, au moins deux textes ont fait preuve d’indépendance : un article d’Alain Paire paru dans La Marseillaise et sur France Culture, « Surréalistes : leur jeu de cartes plus célèbre que Varian Fry, leur sauveteur longtemps oublié », par Chloé Leprince.

    Dès la série diffusée, les premiers commentaires meurtriers ont été diffusée, dont les plus réussis sont issus d’une page FaceBook :

    « À la formule convenue du roman d’aventures et d’espionnage, la série ajoute une pincée de féminisme, un soupçon d’amours interdits, une fille à papa en pleine crise existentielle, un accent de riches méchants corrompus, un tantinet de génies en souffrance… Les dialogues sont convenus, l’ensemble est tout à fait kitch et d’un ennui mortel. Sauf lorsque, humour involontaire, par inadvertance. Ainsi lorsqu’on découvre :
    — le concierge d’un grand hôtel qui est un étudiant africain de passage à Marseille (un étudiant noir concierge d’hôtel en 1940 ? non !) ;
    — face à des douaniers sur le point d’arrêter des Juifs à la frontière espagnole, Albert Hirschmann surgit, lance quelques phrases en allemand et les croquemitaines disparaissent (des douaniers qui comprennent l’allemand ? non !) ;
    — une belle espionne africaine, parée de bijoux, tout de Chanel vêtue et parlant anglais avec un accent d’Oxford renfloue la trésorerie de Mary Jayne Gold (une Mata Hari africaine au service de sa majesté britannique en 1940 ? Non !) ;
    — arrêtés en voiture par la police, Mary Jayne et Hirschmann persuadent la maréchaussée de les laisser passer car les huîtres ont été au repas de midi et il fallait assouvir vite certains besoins (sic !).

    » La liste est longue, l’inconscience des scénaristes l’est encore plus. Une tragédie de Macbeth montée par des collégiens bien intentionnés ?

    » Les scénaristes de Transatlantic et l’autrice du roman de Julie Orringe The Flight Portfolio qui l’a inspiré auraient dû se renseigner, instruire, renforcer une mémoire douloureuse et glorieuse tout en divertissant d’une manière intelligente un public averti. Au lieu de quoi l’histoire de Fry et de ses compagnons est mal servies, voire tournée en dérision par la volonté pathologique de revoir tout à travers la lentille du genre, de la race et de l’ethnicité. En voulant apparaître actuelle, la série bascule dans le ridicule tandis que la réinvention de l’histoire de Fry créé une dangereuse confusion entre les faits et l’imaginaire. » [ndlr]